L’Art Nouveau séduit le public
Musée d’art de Pully, jusqu’au 19 juin

Pierre Jeanneret | Depuis son ouverture, l’exposition, présentée par le Musée d’Art de Pully, attire de nombreux visiteurs et visiteuses. Par ses courbes sinueuses, son exaltation de la figure féminine, ses motifs floraux exubérants, l’Art Nouveau fascine.
Mais se borner à cet aspect, c’est méconnaître ce que ce mouvement avait de radicalement novateur. Il signifiait la rupture avec l’académisme. Il était contemporain de la Belle Epoque (fin du 19e siècle à 1914), une période d’apogée économique, d’inventions, par exemple le téléphone, et de vie de plaisirs… du moins pour les classes sociales aisées. La première section de l’exposition est consacrée aux Nabis (« prophètes »), comme Maurice Denis dont les aquarelles ont des couleurs si douces. Puis il est question de « l’art social ». Celui-ci voulait une société plus juste et dénonçait les inégalités. Il prônait un art pour tous. Très représentatives de cette tendance sont les gravures de Félix Vallotton. Mentionnons aussi « La langouste du Réveillon » de Paul Signac, qui oppose deux images : celle du bourgeois obèse qui bâfre son festin et celle des marins bretons qui risquent leur vie en mer !

Une large place dans l’exposition est faite à la réclame, avec les superbes affiches de Henri de Toulouse-Lautrec et Théophile Alexandre Steinlen, qui invitent notamment à aller voir les spectacles parisiens comme celui du Moulin Rouge. Car cette époque voit apparaître la publicité moderne, dont les affiches sont un support majeur. En même temps, on assiste à une démocratisation de la culture, puisque dans les rues ces affiches sont visibles par tous. Leur graphisme est très végétal. Plantes et fleurs aux formes contournées deviennent l’emblème de l’Art Nouveau. C’est le Tchèque Alfons Mucha qui représente le mieux cette tendance, et un large espace est consacré à ses affiches, qu’il s’agisse de mettre en valeur la grande comédienne Sarah Bernhardt, des marques de champagne ou les cigarettes Job. Il représente des femmes-fleurs séductrices aux formes voluptueuses, au milieu d’arabesques et d’entrelacs floraux. Ce que l’on qualifiera bientôt ironiquement de « style nouille » ! L’Art Nouveau s’est aussi intéressé aux contes et légendes. On remarquera particulièrement les 15 cartes postales conçues par Oskar Kokoschka, qui a participé au mouvement de la Sécession viennoise.
Cette riche et très plaisante exposition ne doit cependant pas faire oublier que l’Art Nouveau n’a pas concerné que la peinture, l’art de l’affiche ou la lithographie. Il se voulait art total, englobant aussi les bijoux, le mobilier, la verrerie et la céramique, bref tous les objets du quotidien, ainsi que les maisons et leur décoration intérieure et extérieure. Et pour cela, nous recommandons vivement de faire le voyage à Nancy pour visiter, entre autres, son extraordinaire musée tout entier consacré à cet Art Nouveau qu’on a appelé aussi « Jugendstil » ou « Modern style ».
« La Belle Epoque de l’Art nouveau. Au temps de Bonnard et Mucha »
Musée d’art de Pully, jusqu’au 19 juin.
Alphonse Mucha, Les Saisons. Hiver, 1896


