« Excusez-moi, Monsieur, où sont les toilettes ? » – Edition Favre
Les mémoires d’un véritable aubergiste à l’ancienne

Pierre Jeanneret | Jean-Jacques Gauer vient d’écrire un livre au titre décapant : « Excusez-moi, Monsieur, où sont les toilettes ? » C’est, paraît-il, la question qui lui a été le plus souvent posée… Par là-même, il témoigne de son humour, qui parcourt tout l’ouvrage. Même si celui-ci relate aussi des heures plus graves, des décès familiaux précoces, un conflit financier avec l’une de ses sœurs, ou encore le moment où il fut poussé vers la sortie du Lausanne-Palace, qui lui reste encore un peu en travers de l’estomac. L’estomac, parlons-en, car l’auteur est un grand amateur de bons vins et de bonne chère. Mais surtout, il est bien connu dans notre région comme le patron du fameux restaurant « Le Raisin » à Cully. Tout le monde sait-il en revanche qu’il a fait une brillante carrière d’administrateur de nombreux hôtels, restaurants et bars à travers le monde ? Car Jean-Jacques Gauer, même s’il est fier de sa réussite professionnelle, reste un homme empreint de beaucoup de modestie. Au « Raisin », il veut être un aubergiste à l’ancienne, de terrain, n’hésitant pas à servir lui-même des plats quand il y a le « coup de feu », et accordant une grande importance aux contacts humains.
Les pages de son livre sont certes d’intérêt inégal. Il cite d’innombrables noms d’administrateurs, hôteliers, cuisiniers et autres, souvent inconnus du grand public. En revanche, on suit avec curiosité son parcours. Il a franchi pour commencer tous les paliers de l’hôtellerie, de l’apprentissage de cuisinier au poste de directeur général des maisons les plus prestigieuses, notamment le « Schweizerhof » à Berne, et plus tard le « Lausanne-Palace ». On apprend toutes les modernisations qu’il a su apporter à de nombreux établissements, avec le concours de son épouse Emeline, une belle Brésilienne à laquelle il rend un juste hommage. Particulièrement intéressants sont les passages où il relate ses rencontres avec les grands de ce monde, pour lesquels il a dû organiser des repas prestigieux ou des conférences, qu’il s’agisse de François Mitterrand, du Dalaï-lama, de Bill Clinton ou encore de Shimon Pérès. Sans oublier les politiciens suisses de tous bords, dont le regretté Jean-Pascal Delamuraz ou Josef Zisyadis. Il a fréquenté des personnages plus controversés, comme le milliardaire saoudien Adnan Khashoggi ou Michel Platini. Jean-Jacques Gauer a aussi été président pendant vingt ans des « Leading Hotels of the World », qui rassemblent le haut-de-gamme au niveau mondial. Enfin l’ouvrage montre les transformations considérables qu’a dû gérer le monde de l’hôtellerie, depuis le télex, puis le fax, ensuite internet et le téléphone portable…
Mais la partie la plus attachante du livre est celle où il dit son amour pour Cully et les rives du Léman, ainsi que pour une forme d’hôtellerie et de restauration à taille humaine, authentique, sans chichis, mais où règnent les bons produits et l’attention prêtée au client. C’est dans ces qualités-là, et non dans un luxe impersonnel, qu’il voit l’avenir hôtelier en Suisse et dans le monde. Notons enfin que le livre contient une riche iconographie, où l’on peut voir l’auteur dans les diverses étapes de sa vie et dans de multiples situations.