La Poste en période de l’Avent
A Daillens, les colis s’emballent, mais l’humain reste le moteur
L’unique centre de tri des colis de Suisse romande vit son marathon de l’Avent. A Daillens, ce sont jusqu’à 22’000 envois triés par heure, des installations actives 23 heures sur 24 et un flux continu durant 21 heures. Au cœur de cette machine géante, le responsable Pierre Albertelli veille à la précision, mais surtout à la santé et à la cohésion de ses équipes. Immersion dans les coulisses d’un mois de décembre sous haute tension.
Texte et photos Thomas Cramatte – A Daillens, le plus grand centre de tri des colis de Suisse romande vit son marathon de l’Avent. Mais derrière la mécanique millimétrée que cela exige, une équipe de près de 400 collaboratrices et collaborateurs, renforcée par des auxiliaires temporaires, absorbe une hausse de volumes qui dépasse régulièrement les prévisions. « Chaque année, on prévoit, on calcule, et chaque année, on découvre le lundi que les volumes sont 10 % plus élevés que ce qu’on imaginait », glisse le responsable du site, Pierre Albertelli. Au niveau national, Nathalie Dérobert détaille que La Poste travaille en étroite collaboration avec les différents commerces en ligne, par exemple en organisant ensemble des courses supplémentaires pour retirer les colis chez les commerçants. : « La Poste se prépare dès l’été, l’objectif étant de répartir le travail entre le plus grand nombre possible de collaborateurs. La Poste effectue chaque jour plus de 370 tournées de distribution supplémentaires et les grands centres de tri fonctionnent jusqu’à 22 heures par jour, parfois même le samedi. », précise la porte-parole.
Pierre Albertelli travaille à la Poste depuis une trentaine d’années, auparavant en tant que responsable du centre de lettres d’Eclépens, puis à Daillens comme responsable du centre depuis 2022. Pour lui, l’enjeu dépasse la performance technique : « Mon rôle, c’est d’anticiper les problèmes, avant qu’ils ne surviennent. Et de soutenir au mieux mes équipes pour trouver les meilleures solutions ». Durant la semaine du Black Friday, environ 1,4 million de colis ont transité par le centre romand. Une montée en puissance qui sert de répétition générale avant la vague de décembre, lorsque les installations tournent 23 heures sur 24 et que tout le site doit fonctionner comme un organisme parfaitement synchronisé.
Un trafic de fête où l’humain est en première ligne
Avec l’intensification des flux, la pression sur les équipes augmente aussi. Entre mi-novembre et Noël, impossible de prendre des vacances pour les collaborateurs, les postes sont continuellement ajustés. Si la plupart des colis suivent un parcours automatisé, près de 5 % sont triés manuellement : envois encombrants, paquets qui frisent la maximale de 30 kg ou cadeau de fin d’année, comme des caisses de vin trop fragiles pour les installations. « C’est un travail physique intense. Le but, c’est que nos collaboratrices et collaborateurs restent en bonne santé. La Poste met à disposition des outils pour les soulager, comme des tapis roulants extensibles ou basculants qui aident lors du déchargement des conteneurs », rappelle le responsable. L’ergonomie, les pauses, la formation et les mesures de sécurité, comme les sacs transparents, destinés à éviter les malentendus autant que les vols, participent à maintenir un environnement de travail sain dans cette période de tension maximale.
Le centre de Daillens a également modernisé ses processus. Il peut désormais trier les colis par facteur, et non plus seulement par localité. Une optimisation discrète, mais essentielle : « Un tri plus « fin », facilite le travail des équipes de distribution sur le terrain et leur fait gagner jusqu’à une heure de temps. Une heure gagnée ici, ce sont des milliers de livraisons plus fluides », explique Pierre Albertelli. Au-dessus des têtes, les glissières s’ouvrent et se referment comme des bouches métalliques, répartissant les colis pour Lausanne, Morges, Yverdon ou Vevey par exemple. A côté, des collaborateurs identifient et réétiquettent les envois illisibles par les lecteurs optiques.
Malgré la cadence soutenue, une cohésion remarquable se maintient. Cette année, un souper de boîte a réuni plus de 200 personnes, le premier depuis dix ans. Une parenthèse symbolique d’un esprit d’équipe qui semble résister à la massification des volumes et à la pression du calendrier. Daillens fonctionne comme une plateforme logistique, mais aussi comme une communauté qui sait s’appuyer sur ses forces en période de pointe.
Un marathon annuel qui arrive à son sommet
Les jours les plus intenses approchent : autour du 15–16 décembre, puis le 22, lorsque les dernières commandes affluent. A ce moment-là, le centre devient un véritable cœur battant de la Suisse romande, pulsant en continu. Au milieu du vacarme des bandes transporteuses, Pierre Albertelli veille au rythme, avec l’œil du responsable, mais aussi, peut-être, avec l’oreille d’un batteur habitué à maintenir la cadence. Car lorsqu’il n’est pas au centre de tri, il s’installe derrière la batterie des Yellow Stones, son groupe inspiré des pierres jaunes du Mormont… et non de La Poste, précise-t-il en riant.
Cette scène contraste avec l’autre visage du géant jaune, régulièrement critiqué, notamment après l’annonce de restructuration et la fermeture de 170 offices de poste. Une évolution qui laisse parfois l’impression d’un service public en recul. Mais Daillens rappelle une réalité plus nuancée : la culture d’entreprise à La Poste dépend visiblement des sites et des métiers. Ici, malgré la cadence infernale de l’Avent, l’esprit d’équipe demeure tangible. Une machine performante, certes, mais dont l’efficacité repose encore largement sur les femmes et les hommes qui lui donnent son rythme.
Le centre colis de Daillens en chiffres
Capacité et volumes
• Jusqu’à 22’000 colis triés par heure
• Moyenne: 180’000 colis/jour, jusqu’à 270’000 en pointe
• Record: 306 000 colis en un jour
• Trafic de l’Avent en Suisse : près d’un million de colis/jour
Infrastructure
• Centre: 24’000 m² | Site total: 81’300 m²
• 5.2 km de bandes transporteuses
• 320 glissières, 1000 caisses mobiles/jour
• 1010 cellules de lecture automatique






