La petite histoire des mots
Racisme
Georges Pop | La colère s’est emparée une nouvelle fois de la communauté afro-américaine, aux Etats-Unis, après la mort à Minneapolis, dans l’Etat du Minnesota, de George Floyd, un homme noir de 46 ans, asphyxié par un policier blanc, lors de son interpellation. La vague de contestation contre le racisme et les brutalités policières n’a pas, toutes proportions gardées, épargné la Suisse où nombre de noirs se sont exprimés, se sentant régulièrement suspectés par les forces de l’ordre, juste en raison de la couleur de leur peau. Le mot « racisme » a fait son apparition dans la langue française au XIXe siècle. Il définit une croyance, fondée sur des théories selon lesquelles il existerait des « races » humaines distinctes et une hiérarchie entre elles. Il désigne aussi une attitude d’hostilité, allant du mépris à la haine, à l’égard d’un groupe humain défini sur la base d’une identité raciale. Ces croyances ignorent le fait que nous appartenons tous, génétiquement, à la même espèce et que nous avons les mêmes ancêtres communs. « Racisme » est évidemment un dérivé de « race », lui-même issu de l’ancien français « rasse » qui, à la fin de Moyen-Age, désignait l’ensemble des ascendants et des descendants d’une même famille ou d’un même peuple. Ce terme n’a pas d’antécédents latins directs mais serait peut-être dérivé du verbe latin « reri » qui signifie compter et ranger et dont le substantif « ratio » désigne l’estimation d’un rapport ainsi que la méthode de classement pour y arriver. On notera que, dans l’Antiquité, les Grecs et les Romains cultivaient bien un sentiment de supériorité avéré à l’endroit des autres peuples qu’ils jugeaient barbares. Ils n’avaient cependant pas développé de théorie raciste au sens moderne, notamment à l’endroit des individus de couleur. Le racisme idéologique s’est développé à partir du XIXe siècle, inspiré par divers théoriciens dont l’écrivain et homme politique français Arthur de Gobineau, dit le comte de Gobineau, père de la thèse de la race germanique prétendument « pure », dite « aryenne », et auteur d’un très controversé « Essai sur l’inégalité humaine », fondé, non sur des critères scientifiques, mais essentiellement sur une interprétation fantaisiste de l’Ancien Testament. Gobineau y octroie aux blancs « le monopole de la beauté et de l’intelligence » et y qualifie de « médiocre » l’intelligence des Africains. Quant aux Asiatiques, il ne seraient, selon lui, qu’une simple « ébauche voulue par le Créateur » (Sic). Ces élucubrations ont alimenté tout un courant raciste qui a fini par accoucher de l’Holocauste, sous le régime nazi. On soulignera que dans l’usage courant, on parle souvent de racisme pour évoquer de la xénophobie dans laquelle il n’y a pas forcément de sentiment de supériorité raciale. Nous terminerons cette chronique sur cette phrase de l’écrivain français André Gide, à lire dans son livre « Voyage au Congo », un réquisitoire contre les pratiques des compagnies commerciales et de l’administration coloniale à l’égard des Africains : « Moins le blanc est intelligent, plus le noir lui paraît bête ». C’était en 1926, mais toujours d’actualité en 2020…