La petite histoire des mots
Carbone
Georges Pop | La semaine dernière un groupe de 500 scientifiques internationaux de l’Observatoire du carbone profond, un centre de recherches basé à Washington, a publié une étude qui prouve, chiffres à l’appui, que les activités humaines produisaient 100 fois plus de dioxyde de carbone (CO2) que l’ensemble des volcans de la planète. L’étude, outre son intérêt scientifique, se voulait une réponse aux allégations des climatosceptiques qui prétendent que l’activité volcanique produit plus de gaz carbonique que l’humanité. Il n’est pas nécessaire d’être linguiste pour comprendre que les mots «charbon» et «carbone» sont intimement liés. «Carbone» tout comme «charbon» nous vient du latin carbo, carbonis qui voulait tout bêtement dire charbon! Les Romains connaissaient ce combustible car ils maîtrisaient la technique de fabrication du charbon de bois par pyrolyse sous une couche de terre. Ils connaissaient également le graphite et le diamant. Mais tout comme leurs prédécesseurs et leurs successeurs, ils ignoraient tout des atomes de carbone constitutifs de ces matières entre lesquelles ils ne faisaient aucun lien. Ce n’est qu’en 1787 que le chimiste et philosophe français Antoine Lavoisier réalisa que le charbon, le graphite et le diamant était constitué du même élément. Et c’est lui qui baptisa cet élément chimique «carbone» à partir du mot latin qui désignait le charbon. Pour mémoire, c’est à ce scientifique génial, guillotiné en 1794 pendant la Révolution, que l’on doit la fameuse formule «rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme». Le mot «carbone» n’apparut cependant dans le dictionnaire de l’Académie française que près de 40 ans après la mort de Lavoisier. Le fameux gaz carbonique, principal gaz à effet de serre, qui menace aujourd’hui le fragile équilibre climatique de notre planète est notamment libéré par la combustion des énergies fossiles comme le pétrole, le gaz naturel et le charbon. Pourquoi? Mais tout simplement parce que le carbone, forgé dans le cœur des étoiles massives, constitue la charpente essentielle de toutes les molécules organiques composant la totalité des êtres vivants. En brûlant les combustibles fossiles issus d’une multitude de composés organiques, il est massivement libéré sous forme de CO2. Tout le paradoxe est là! Le carbone est indispensable à la vie. C’est grâce à la photosynthèse que le carbone présent dans l’air sous forme de CO2 est capté par les végétaux puis transformé en matières organiques qui permettent aux herbivores de fabriquer les sucres, les lipides et les protéines qui les constituent. Les humains en dépendent puisque pour se nourrir ils mangent des végétaux et des herbivores. Mais en brûlant du pétrole et du charbon pour produire de l’énergie, l’Homme envoie dans l’atmosphère des quantités de dioxyde de carbone telles qu’elles menacent le vivant. C’est ainsi que le carbone, source de vie, se transforme en vecteur d’anéantissement. Dans l’univers qui est le nôtre, la vie et la mort sont toujours intimement liés!