Terminus
Georges Pop | C’est avec l’avènement du chemin de fer, au 19e siècle que le mot terminus s’est largement diffusé dans la langue française pour désigner la dernière gare. Depuis, son usage s’est échappé du cercle restreint du monde des transports pour signaler une limite, réelle ou théorique, ou la fin d’un itinéraire individuel ou collectif. Dans la presse sportive, terminus, suivi d’un point d’exclamation, s’est par exemple récemment appliqué à l’élimination en Ligue des champions de football de la vénérable Juve de Turin du mythique gardien Gianluigi Buffon ou, plus près de chez-nous, à la fin de parcours du HC Bienne qui a porté seul les couleurs romandes jusqu’aux demi-finales des play-off de hockey sur glace après les sorties successives de Lausanne, Genève ou Fribourg. Il est cocasse de relever que ce mot apparemment tout bête qui indique une fin ou un achèvement est d’essence… divine! En latin, terminus désignait certes une borne ou une limite mais surtout le nom vénéré du dieu gardien des bornes. Les Romains excellaient dans l’arpentage et le bornage. Les bornes romaines ayant aussi un caractère religieux, les Romains leur attribuèrent un dieu protecteur, sans doute déjà vers le 8e ou le 7e siècle av. J.-C. Fils de Jupiter, le dieu Terminus (appelé aussi Terme en français) était le plus souvent représenté sans bras, ni jambes car il incarnait l’inamovibilité. Jamais il ne devait bouger de la place qui lui était attribuée. Etait-il cul-de-jatte? Peut-être! Mais la mythologie latine ne nous apporte aucune précision sur ce point. Selon la légende, lorsque les Romains décidèrent d’élever un temple à la gloire de Jupiter sur la colline du Capitole, les statues de toutes les autres divinités furent prestement délogées pour laisser la place au tout-puissant souverain de la terre et du ciel. Sauf… sauf Terminus! Le déménager eut été un grave sacrilège. Chaque 23 février, les fêtes joyeuses et semble-t-il bien arrosées des Terminalia étaient consacrées par les Romains à ce dieu dépourvu de motricité mais bienveillant et débonnaire, dépositaire des bonnes relations entre voisins. En ce temps-là, les bornes qui délimitaient les champs, les propriétés et à fortiori les domaines sacrés étaient intouchables. Celui qui prenait le risque de les déplacer ou les déterrer s’exposait à une malédiction éternelle. Plus près de nous, le nom du dieu et ses dérivés ont certainement inspiré celui du Terminator, ce cyborg venu du futur, inventé par James Cameron et incarné au grand écran par le musculeux Arnold Schwarzenegger, avant qu’il ne devienne gouverneur de Californie. Le succès du premier film en 1984 fut tel qu’il a conduit à la réalisation de quatre autres superproductions hollywoodiennes. Et il paraît que ce n’est pas fini… Il est cocasse de relever que le dieu Terminus et le substantif qui lui est associé ont aujourd’hui donné leur nom à de nombreux hôtels situés non loin des gares ferroviaires. Le restaurant de celui régenté par le chef valaisan Didier de Courten, à Sierre, accumule de brillantes étoiles dans les meilleurs guides gastronomiques. Et pour finir avec des mots apparentés au dieu antique, nous conclurons en disant que cette chronique arrive maintenant à son… terme! Qu’elle est donc… terminée! Donc point final et… terminus!