La petite histoire des mots
Système

En France, l’indignation, voire la colère, des partisans de Marine Le Pen, condamnée en première instance à une peine de prison et d’inéligibilité, ont presque fait oublier les raisons de la peine qui lui a été infligée. Le tribunal correctionnel de Paris a reconnu l’ancienne présidente du RN coupable d’avoir monté un véritable « système » destiné à enrichir son parti en détournant des fonds publics – près de 3 millions d’euros – du parlement européen. L’intéressée a aussitôt riposté en accusant un « système » politique qui veut la museler.
Voilà qui nous amène au mot « système », d’usage très usuel, voire banal, dont il existe deux définitions plus complexes qu’il n’y paraît. Selon la première, le « système » est un « ensemble abstrait dont les éléments sont coordonnés par une loi ou une théorie ». Cette définition est notamment pertinente en philosophie, ainsi que dans le domaine des sciences. A titre d’exemple, en astronomie, on parle de « système copernicien ». Cette définition s’applique désormais aussi aux techniques, à l’informatique, à la musique… On pourrait multiplier les exemples.
La seconde évoque, quant à elle, « un ensemble de pratiques organisées en fonction d’un but ». Et il s’agit bien de celle qui s’applique dans l’affaire qui nous occupe, que ce soit pour la patronne du RN, dont le but aurait été d’engraisser son parti sans égards pour la loi, ou de celui, supposé, de ses adversaires de l’empêcher, par tous les moyens, d’accéder à jour à la présidence.
Dans notre langue, le mot « système », ainsi que, à quelques décennies près, les deux définitions qui l’accompagnent, datent du XVIe siècle. Il a été emprunté au latin « systema » qui désignait déjà un ensemble cohérent de notions, ou de principes, lui-même issu du grec « sýstêma » qui, chez les anciens, définissait une combinaison ou un assemblage, réel ou abstrait.
Il est intéressant de noter que, chez nos voisins, plusieurs éditorialistes ont écrit qu’après sa condamnation – qui doit être confirmée ou infirmée l’année prochaine en appel – Marine Le Pen a « tombé le masque », reprenant à son compte la rhétorique agressive et « antisystème » de Jean-Marie, son défunt père, fondateur du Front National. Le terme « antisystème » est apparu en 1717, lorsque quatre financiers grenoblois, les frères Pâris, tentèrent de renverser le financier franco-écossais John Law qui, lors de la régence de Philippe d’Orléans, avait été chargé de liquider les énormes dettes laissées par Louis XIV. Une des particularités du « système de Law » consistait à développer l’utilisation du papier-monnaie, en lieu et place des espèces métalliques, afin de faciliter le commerce et l’investissement.
L’adjectif « antisystème » qualifie aujourd’hui tous ceux qui souhaitent abattre ou affaiblir les institutions. Quant à la formule « tomber le masque », elle nous vient de « Bas les masques », une expression apparue au début du XVIIe siècle, à une époque où le masque, notamment au théâtre, était l’accessoire de la fourberie. Il était alors la métaphore d’une attitude trompeuse.