La petite histoire des mots
Carnaval

La saison des carnavals arrive gentiment à son terme. Le plus grand de Suisse, celui de Bâle, inscrit sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO, s’est déroulé du 10 au 12 mars derniers. Une vidéo virale montrant un doigt d’honneur géant avec la tête du président américain Donald Trump a littéralement embrasé les réseaux sociaux, certains internautes n’hésitant pas à parler d’une vaste manifestation anti-Trump, dans un pays prétendument neutre.
Dans son acception chrétienne, le mot « carnaval » désigne la période qui précède le Carême, de l’Epiphanie au mercredi des cendres, comprenant les jours gras, durant lesquels se déroulent des réjouissances publiques, tels que des mascarades, des défilés de chars, des batailles de confettis, etc.
Le mot « carnaval » a été emprunté à l’italien « carnevale », lui-même dérivé, très vraisemblablement, du latin « Carnem levare » qui veut dire « éliminer la viande », car il désignait le mardi gras, dernier jour des réjouissances, juste avant la période d’abstinence avec le jeûne du Carême. Cependant, certains linguistes ont aussi émis l’hypothèse, jugée moins plausible, selon laquelle ce mot serait issu de l’expression « carrus navalis », qui veut dire « navires sur roues », allusion aux chars décorés.
En Italien, « carnevale » est attesté dès la fin XIIIe siècle sous la plume du poète et satiriste Matazone da Caligano et sous celle du romancier Giovanni Sercambi. Le terme a été adopté par le français au XVIIe siècle. Toutefois, en France, jusqu’au XIXe siècle, le nom « carême-prenant » a été utilisé à égalité avec « carnaval ».
On admet généralement que les carnavals sont les héritiers d’anciennes fêtes païennes, comme les Dionysiaques, de la Grèce antique, et, chez les Romains, les Saturnales ou la fête des Calendes de Mars, qui célébrait la fin de l’hiver, et au cours de laquelle les interdits étaient transgressés et les déguisements autorisés.
C’est dans les communes indépendantes d’Italie que le carnaval, tel qu’on le connaît aujourd’hui, serait né. En 1094, la fête est déjà mentionnée dans une charte du doge Vitale Falier à Venise. Deux siècles plus tard, le carnaval devint une fête publique officielle dans la cité, avant de se répandre dans le reste de l’Italie, puis de l’Europe catholique, avec la bénédiction de l’Eglise qui l’intégra et la codifia dans sa tradition.
A Bâle, le premier évènement carnavalesque est attesté en 1418. Mais, après la Réforme, cette fête fut jugée subversive et fit l’objet de plusieurs tentatives de limitations, tant par les réformateurs, qui la considéraient comme une « subversion papiste », que par les contre-réformateurs effrayés par les débordements irrespectueux de la foule. Le carnaval y redevint populaire au XIXe siècle, avec ses cortèges, ses joueurs de fifres et tambours et ses guggenmusiks.
Selon le dramaturge russe Nicolaï Evreïnov qui vécut en France jusqu’à sa mort dans les années cinquante, « Au carnaval tout le monde est jeune, même les vieux. Au carnaval, tout le monde est beau , même les laids ».