La petite histoire des mots
Veste (Retourner sa)

L’Amérique de Donald Trump est-elle en train de « retourner sa veste » ? Alors qu’ils semblent avoir lâché l’Ukraine, les Etats-Unis pourraient-ils rompre leur alliance avec l’Europe pour frayer avec la Russie de Poutine ? Certains le craignent, alors que d’autres le souhaitent, afin de se libérer de la tutelle stratégique de Washington et stimuler la défense commune du Vieux Continent. On verra bien ! Car avec le nouvel homme fort de la Maison Blanche, rien n’est jamais acquis…
L’expression « retourner sa veste » signifie « changer de camp ou d’opinion, par intérêt et non en vertu de principes moraux, afin de saisir une occasion ». On ne va pas s’appesantir ici sur l’étymologie du mot « veste » qui est assez simple. Ce nom commun, qui désigne un vêtement à manches, le plus souvent boutonné devant, et qui couvre le haut du corps, a été emprunté au XVIe siècle à l’italien « vèste », lui-même hérité du latin « vestis » qui signifie « habit » ou « vêtement ».
L’origine réelle ou supposée de l’expression « retourner sa veste » est beaucoup plus intéressante. Toujours au XVIe siècle, Charles-Emmanuel Ier, duc de Savoie et prince du Piémont. était rongé par l’ambition. Il rêvait de puissance et voulait devenir roi. Pour parvenir à ses fins, il faisait successivement alliance avec la France ou l’Espagne, selon les opportunités et les circonstances du moment. Lors des batailles qu’il livrait, il portait une veste aux couleurs des deux nations qu’il retournait selon son alliance du moment. « Retourner sa veste » a donc gardé son sens premier, à savoir changer radicalement de position par opportunisme.
En dépit de ses changements intempestifs d’alliance, Charles-Emmanuel est entré dans l’histoire pour être parvenu à étendre ses frontières, arrondir ses provinces, recentrer la production monétaire, et achever d’affermir son pouvoir en anéantissant la féodalité dans ses États. Il est mort en 1630 d’une attaque d’apoplexie, à l’âge de 68 ans, lors d’une bataille contre les Français, et alors qu’il portait une veste aux couleurs de leurs ennemis. Il repose aujourd’hui dans le sanctuaire catholique de Vicoforte, dans le Piémont.
Les personnes qui changent souvent d’opinion et qui sont sujettes à de brusques revirement sont qualifiées de « versatiles ». Cet adjectif nous vient du mot latin « Versatilis » qui veut dire « qui tourne » ou « qui est mobile ». Au XIVe siècle, en vieux français, il était uniquement associé à une grande épée à deux tranchants, une épée tenue à deux mais et qui pouvait tournoyer. « Versatile » a ensuite qualifié toute chose présentant un mouvement alternatif. Le sens figuré et moderne qu’on lui connait désigne une personne qui change d’opinion, une personne inconstante, bref, une girouette.
La presse américaine, celle qui lui est hostile, a souvent qualifié Donald Trump de « versatile ». Il y a quelques années, après une longue interview avec le milliardaire, « The New York Times » a ainsi souligné « l’effrayante versatilité » du personnage, prêt à déclarer tout et son contraire, et faisant de son ignorance une vertu. Les États-Unis et le monde ont quatre ans pour s’en convaincre… ou non !