La petite histoire des mots

Dix ans après l’attaque islamiste contre l’hebdomadaire satirique Charlie Hebdo, à Paris, les Français soutiennent plus que jamais la liberté d’expression. Un sondage publié la semaine dernière révèle que 76 % des Français interrogés estiment que la liberté d’expression est un droit fondamental, et que la liberté de caricature en fait partie. Il n’étaient que 58 % dans une précédente enquête réalisée 2012, avant les attentats.
Le mot « caricature » désigne aujourd’hui un dessin qui exagère volontairement les traits saillants d’un visage ou d’un individu, le rendant burlesque, voire ridicule, mais aussi la description sarcastique et irrespectueuse d’une situation ou d’un évènement, pour faire rire ou pour dénoncer.
Dans notre langue, le mot « caricatura », inspiré du verbe « caricare », qui en latin populaire signifiait « charger » ou « exagérer », fut employé pour la première fois en 1646, dans la préface d’un ouvrage du peintre italien Annibal Carrache qui s’amusait parfois à déformer grossièrement les traits du visage de ses modèles. Il donnera le substantif « caricature », ce dernier terme apparaissant en 1740, dans les « Mémoires » de l’homme politique et écrivain René Louis de Voyer de Paulmy, marquis d’Argenson ; un document sans concession sur l’histoire politique et morale du règne de Louis XV.
L’art de la caricature ne date pas d’hier. On a trouvé des dessins qui s’y apparentent sur des papyrus de l’ancienne Egypte, sur des vases grecs ou, sous forme de graffitis, sur les murs d’Herculanum et de Pompéi. C’est cependant en Angleterre, après la « Glorieuse Révolution » de 1688 et la chute du roi Jacques II, que la caricature politique, par le biais de la satire et de l’insolence, s’imposa comme un genre à part entière. Au XIXe siècle, avec le développement de la presse de masse, elle s’imposa également en France puis, progressivement, dans la plupart des pays respectueux des libertés fondamentales.
De nos jours, le dessin de presse est devenu le moyen de contester les idées reçues de la culture ou du pouvoir dominants. Il est un bon baromètre pour mesurer la santé d’une démocratie. La liberté d’expression doit certes exister dans un cadre légal, pour prévenir la diffamation et la calomnie. Mais sans proscrire l’insolence, l’ironie et la critique, parfois déjantée, des riches, des gouvernants et des puissants.
Tombé sous les balles des frères Kouachi, qui prétendaient « venger le Prophète », le 7 janvier 2015, au siège du journal Charlie Hebdo, le caricaturiste et dessinateur de presse Tignous, de son vrai nom Bernard Verlhac, avait déclaré : « La caricature est un témoin de la démocratie. Elle sert un peu à venger tous ceux qui ne peuvent pas s’exprimer ».