La petite histoire des mots
Alcool

Le Bureau de prévention des accidents (BPA) a révélé, la semaine dernière, qu’un Suisse sur quatre avoue prendre le volant après avoir consommé de l’alcool. Il rappelle qu’en 2023, dans notre pays, 506 personnes ont été grièvement blessées et 31 sont décédées dans des accidents de la route liés à la consommation d’alcool. A l’approche des fêtes, le BPA rappelle qu’un seul verre suffit à réduire les aptitudes à la conduite.
Bien que l’alcool soit banni en terre musulmane, le mot qui le désigne dans notre langue nous vient de l’arabe. La langue arabe utilisait, en effet, le mot « kuḥl » pour désigner la poudre d’antimoine, un élément chimique utilisé au Moyen-Âge par les alchimistes. Vers le XVIe siècle, les droguistes occidentaux, qui se servaient de ce produit dans leurs potions, adoptèrent ce terme avec son déterminant arabe « al ». C’est ainsi que « al-kuḥl » se transforma progressivement en « alkool », puis en « alcool ».
Petit à petit, le mot prit un sens un peu plus large, ne désignant plus seulement la poudre d’antimoine, mais d’autres fines poudres, utilisées en droguerie, et obtenues par sublimation. En chimie, la sublimation est le changement d’état d’un corps de l’état solide à l’état gazeux, sans passer par l’état liquide. A l’époque, la sublimation était également utilisée pour purger le vin, et obtenir de l’« esprit-de-vin », autrement dit de l’alcool éthylique. C’est ainsi que le mot « alcool » prit progressivement les sens que nous lui connaissons aujourd’hui, à commencer par celui qui désigne une boisson obtenue par distillation ou fermentation.
Les première boissons alcoolisées datent sans doute du Paléolithique. Elles auraient été « découvertes » de façon involontaire, au hasard d’une fermentation alcoolique spontanée d’aliments sucrés. La maîtrise volontaire du processus de fermentation remonte vraisemblablement à la fin du Néolithique, lors de la sédentarisation des groupes humains. Sur le site préhistorique de Göbekli Tepe, dans l’actuelle Turquie, occupé aux Xe et IXe millénaires av. J.-C., les archéologues ont retrouvé de nombreuses traces d’oxalate de calcium, un sous-produit du brassage. Ils en ont conclu que nos lointains ancêtres se rassemblaient sur ce site pour des cérémonies au cours desquelles ils festoyaient en ingurgitant de la bière par cuves entières.
A faibles doses, l’alcool procure une sensation de chaleur, de bien-être et de détente. A plus fortes doses, il provoque un état d’euphorie, mais également de la maladresse, ainsi que l’altération du jugement et une diminution de l’attention. A partir de 100 mg/100 ml, il entraîne un état d’ébriété avec de possibles troubles digestifs et des dysfonctionnements cérébraux. Au-delà de 250 mg/100 ml, l’état d’ivresse avancée peut entraîner une détresse respiratoire, le coma et la mort.
La formule « Un verre ça va, trois verres, bonjour les dégâts ! » est entrée dans l’histoire. Imaginée en 1984 par le publicitaire Daniel Robert et illustré par le dessinateur Cabu, elle servit à une campagne de prévention contre l’alcoolisme du ministère français de la santé. Cabu est mort assassiné par des terroristes islamistes le 7 janvier 2015, dans les bureaux de Charlie Hebdo. Ses assassins étaient sobres, mais ivres de rage et de haine…