La petite histoire des mots
Deuil
Après les inondations catastrophiques qui, la semaine dernière, ont ravagé la région de Valence, faisant de nombreuses victimes et laissant derrière elles d’incommensurables dégâts, le gouvernement espagnol a décrété trois jours de deuil national. Un deuil national est une journée ou une période dont le gouvernement d’un pays décide qu’elle sera marquée par diverses commémorations, des moments de recueillement, la mise en berne des drapeaux, etc.
Le mot « deuil » désigne tout à la fois la douleur, la peine et l’affliction que l’on éprouve après la mort de quelqu’un, mais aussi la période de chagrin qui suit cette disparition. Il s’agit certainement de l’une des épreuves les plus difficiles à traverser au cours d’une vie. Il faut généralement beaucoup de temps pour se remettre d’une telle épreuve, le processus de guérison pouvant s’étaler sur des mois, voire des années.
L’ancêtre du substantif « deuil » est le verbe latin « doleo » qui signifie « souffrir ». Ce terme a subi plusieurs transformations à travers les âges. Il a pris la forme de « dol » au Xe siècle pour désigner la douleur et l’affliction, ainsi que celle de « duel », à la même époque, pour définir la tristesse et la souffrance consécutive à la disparition d’un être cher. La graphie « deuil » apparaît, quant à elle, vers le XVe siècle dans la littérature.
Le verbe « doleo » est très intimement apparenté au substantif latin « dolor » qui veut dire « douleur » ou « souffrance ». Ce terme nous a donné le mot « douleur ». En vieux français, « se doloir », voulait dire « se lamenter » ou « exprimer des regrets ». L’expression « faire son deuil » de quelqu’un ou de quelque chose est, quant à elle, beaucoup plus récente. Elle n’apparaît qu’au début du XIXe siècle et n’est alors appliquée qu’à une chose disparue dont on doit se consoler. Ce n’est que très récemment qu’elle est utilisée à propos de la disparition d’une personne.
En psychologie, il y a trois phases dans le processus du deuil. La première, très brève, est celle du déni et de la sidération, pendant laquelle la mort de l’être cher n’est pas encore intégrée. La deuxième est celle d’un état dépressif, accompagné de douleurs physiques et mentales. Elle est suivie de la phase de restructuration pendant laquelle on essaie de reprendre goût à la vie. La durée de chacune de ces phases dépend de chaque individu…
Le pire des deuils est peut-être bien celui d’un père et d’une mère qui perdent leur enfant. La grand Victor Hugo a vécu cette douleur lorsqu’il apprit la mort accidentelle, par noyade, de sa fille Lépoldine qu’il chérissait plus que tout. Elle avait 19 ans. Sa douleur lui inspira ses poèmes les plus touchants. Trois ans après la mort de son enfant, révolté, il s’adressa encore au Créateur en ces termes : « Oh Dieu ! vraiment, as-tu pu croire / Que je préférais, sous les cieux, / L’effrayant rayon de ta gloire / Aux douces lueurs de ses yeux ? ».