La petite histoire des mots
Chevet
Une enquête réalisée par Ikea Suisse le révèle : en Suisse, six personnes sur dix vont se coucher avec leur smartphone à portée de main. Le téléphone portable a manifestement remplacé le bon vieux livre de chevet, celui que l’on parcourait avant de s’endormir paisiblement.
Le mot « chevet » désigne généralement la tête de son lit. Une « table de chevet » est un petit meuble, placé à côté de son lit, à la hauteur de sa tête. Elle est destinée à accueillir des choses utiles pour une nuit de sommeil, comme une « lampe de chevet », un réveil, un verre d’eau, une boîte de médicaments, etc.
Comme le substantif « chef », qui dans certains cas – comme « couvre-chef » – désigne la tête, le mot « chevet » est un dérivé du latin « caput » qui voulait justement dire « tête ». En latin classique, le terme « capitum » désignait une cape, et plus précisément le trou du vêtement par lequel il faut passer sa tête. « Caput », puis « capitum » se transformèrent progressivement en « cabetz », en patois provençal, puis en « chevez », en vieux français.
Au XIIe siècle les mots « chevez », puis « chevet » désignaient un traversin, un gros coussin, destiné à soutenir la tête puis, par extension, la tête du lit. A la même époque, en architecture religieuse, « chevet » définissait aussi l’extrémité du chœur d’une église. Pourquoi ? Parce que dans les édifices en forme de croix latine, le « chevet » correspondait à la partie de la croix sur laquelle le Christ crucifié avait, supposément, posé sa tête.
Les expressions « livre de chevet » et « au chevet d’un malade » apparurent au XIXe siècle, la première pour désigner un livre que l’on apprécie tellement qu’on le garde constamment près de soi, y compris près de la tête son lit ; la seconde pour évoquer l’image d’un malade alité que l’on veille et soigne en restant près de lui, de préférence à la hauteur de sa tête.
La locution « épée de chevet », en cours sous la monarchie, pour désigner une lame que les nobles gardaient près de leur lit, pour faire face à des agresseurs surgis pendant leur sommeil, a totalement disparu. Tant mieux !
L’expression « smartphone de chevet », quant à elle, n’existe pas encore. Si elle est adoptée un jour, elle pourrait bien définir un trouble du sommeil. Tous les spécialistes le disent : la lumière bleue des écrans, même à faible intensité, est traitée par le cerveau comme celle du soleil, ce qui provoque une production de mélatonine qui entrave le sommeil profond, provoque des insomnies, ainsi que d’autre troubles physiologiques.
Pour profiter d’une bonne nuit de sommeil, il est donc très chaudement recommandé de laisser son téléphone loin de sa table… de chevet.