La petite histoire des mots
Raid
Avec les guerres qui se poursuivent, voire s’intensifient, au Moyen-Orient ou sur le front ukrainien, le mot « raid » est devenu presque quotidien dans les médias. Il évoque des opérations rapides, aériennes, terrestres ou maritimes, menées en territoire ennemi pour détruire des cibles militaires, sans toutefois épargner les civils qui payent souvent un lourd tribut à ces expéditions.
Dans la langue française, ce mot est d’un usage relativement récent. Emprunté à l’anglais, il fit une apparition timide dans la seconde moitié du XIXe siècle, avant de s’imposer lors des innombrables conflits qui ont secoué le XXe.
En vieux norrois, la langue des anciens scandinaves, le mot « reiô » désignait un voyage à cheval, une cavalcade ou un charriot. Son équivalent dans les langues germaniques occidentales était « raidu », avec la même signification. En Angleterre, pays conquis par les Angles et les Saxons, arrivés du continent, puis cible de nombreuses razzias de Vikings, débarqués du Danemark et de Norvège, ce terme prit la forme « räd », puis « rade ». Ce dernier mot donnera d’ailleurs le substantif anglais « road » qui veut dire « route ».
Le mot « raid », dans sa forme actuelle, apparaît au XVe siècle en Ecosse. Il désignait alors les incursions à cheval menées par les guerriers écossais contre les Anglais qui avaient envahi leur pays à la fin du XIIIe siècle. Il tomba cependant en désuétude et finit par disparaître… Avant de « ressusciter », au tout début du XIXe siècle. On doit cette résurgence à la plume de Sir Walter Scott, l’un des plus célèbres auteurs et poètes écossais de l’époque, qui réhabilita d’anciens textes populaires de son pays où ce terme était en usage.
« Raid » ne s’applique pas toujours à des opérations militaires. Dans un registre pacifique, que ce soit en français ou en anglais, il peut aussi désigner une épreuve sportive d’endurance. Dans ce sens, on le découvre, par exemple, dès 1886, en France, dans La Revue vélocipédique, un magazine consacré – comme son nom l’indique – aux courses cyclistes qui se popularisaient. La première d’entre elles avait été organisée en 1868, à Saint-Cloud, par les frères Ollivier, directeurs d’une usine de cycles.
En anglais, le mot « raider » émergea vers 1860 pour désigner une personne, le plus souvent un soldat, qui se livre à une incursion en territoire ennemi. Il sera ultérieurement utilisé, ainsi qu’en français, non pas dans un contexte militaire, mais dans l’univers de la finance, pour désigner un prédateur cherchant à prendre le contrôle d’une société cotée en bourse au moyen d’une offre publique d’achat (OPA) hostile.
L’un des plus célèbres « raider » est un personnage fictif : Edward Lewis, un richissime businessman, achetait des sociétés en difficulté pour les démanteler et les revendre pièce par pièce. Mais il tomba éperdument amoureux d’une sémillante prostituée nommée Vivian, accepta de l’épouser et se transforma en homme d’affaires vertueux. Les deux personnages furent incarnés au cinéma par Richard Gere et Julia Roberts dans Pretty Woman.
Ce film de 1990 n’a pas pris une ride et n’a pas fini de faire pleurer dans les chaumières.