La petite histoire des mots
Désinformation
Une enquête très documentée, diffusée la semaine dernière sur la chaîne Arte, a mis en évidence la volonté commune de la Russie, de la Chine et de l’Iran d’affaiblir, voire de déstabiliser les pays occidentaux, par une campagne concertée et méthodique de « désinformation ». Ces trois régimes autoritaires ont ainsi constitué une véritable alliance pour conduire un plan global d’intoxication des opinions publiques occidentales, afin de miner les institutions démocratiques qu’ils ont en horreur.
Le terme « désinformation » désigne un processus de communication qui consiste à utiliser les médias pour transmettre des informations fausses (Fake news) ou partiellement erronées, dans le but de tromper et bien sûr d’influencer les opinions publiques, pour les amener à agir dans une direction favorable aux propagandistes. Le mot est récent, puisqu’il date du début du XXe siècle.
« Désinformation » est bien sûr issue du terme « information », dérivé du latin « informare » qui définit l’action de donner une forme ; de façonner un objet ou, par extension, un esprit. Ce terme latin est lui-même issu de « forma » qui définit une forme et l’ensemble des caractéristiques extérieures de quelque chose. Il est la source du substantif français « formation », dans toutes les acceptions de ce terme, celle de former l’esprit par la connaissance, notamment. Si « informer » consiste à former un esprit par le savoir, « désinformer » consiste donc bien à le déformer par le doute et le mensonge.
Dès la fin du XIIIe siècle, on voit apparaître le mot « enformacions » pour désigner une enquête judiciaire ou criminelle. Mais ce n’est qu’au XIXe siècle, avec l’explosion des organes de presse, que « informations » prend le sens de « renseignements que l’on porte à la connaissance d’un public ».
Forgé dans les années 1920 en URSS, le terme « désinformation » (dezinformatsia) désigna à l’origine les supposées opérations d’intoxication menées par les pays capitalistes contre les « probes » régimes communistes. L’usage du mot se généralisa durant la Guerre froide dans le monde soviétique, toujours pour désigner les « complots » capitalistes, avant de se retourner contre ses actuels instigateurs russes et chinois, notamment.
Certains évènements, comme la pandémie de Covid-19, furent des moments privilégiés pour la désinformation. Selon les enquêteurs d’Arte, les Russes furent, par exemple, les premiers à « révéler » que le virus était l’œuvre d’un laboratoire secret américain, avec la complicité des milieux désireux de s’enrichir en vendant des vaccins. Aussitôt reprise par les médias d’Etat chinois et iraniens, cette « information » se répandit comme une trainée de poudre sur les réseaux sociaux, grâce au « Trolls » russes, aux relais politiques locaux pro-Poutine, ainsi qu’ aux conspirationnistes hostiles aux mesures sanitaires de leurs gouvernements et aux médias dits « mainstream ».
La Suisse ne fut pas épargnée. Les « dégâts » de cette campagne sont d’ailleurs toujours bien perceptibles.