La petite histoire des mots
Panique
Comme le relèvent bon nombre de médias français, alors que s’approche la date de l’ouverture des Jeux olympiques de Paris, les pirates, ainsi que les trolls à la solde du Kremlin et du président russe Vladimir Poutine se déchaînent pour troubler la manifestation. Les premiers multiplient les attaques contre les institutions de l’Hexagone, alors que les seconds répandent de fausses informations sur l’hygiène de la ville et le risque d’attentat pour semer la peur, voire la panique.
Voilà qui nous amène au mot « panique » qui désigne une peur soudaine, souvent irrationnelle et collective. Lorsqu’une personne ou un groupe de personnes sont à ce point apeurées qu’elles en perdent la raison et leurs moyens, on dit qu’elles succombent à la « panique ». Ce terme trouve son origine dans la mythologie grecque.
« Panique » est en effet issu de « panikos » qui, chez les anciens Hellènes, signifiait « relatif à Pan ». Le dieu Pan, était une divinité pastorale, maître des troupeaux, des chasseurs et de la musique rustique. Il avait l’apparence d’un satyre, avec un torse d’homme, mais des pattes de bouc et des cornes sur la tête. Velu et barbu, il bondissait avec une agilité animale de rocher en rocher. Chez les Romains, il fut assimilé au dieu Faunus dont le nom nous a donné le mot « faune ».
Pan était un dieu plutôt bienveillant, mais lorsqu’il était dérangé durant ses siestes, il pouvait infliger aux responsables de son trouble une « peur panique » (panikon deima, en grec). Outre son apparence effrayante, il était capable de pousser des cris assourdissants, entendus au loin dans les montagnes et les vallées, qui effrayaient les voleurs qui s’attaquaient aux bergers et à leur troupeau. Chassé de l’Olympe où sa laideur indisposait les autres dieux, Pan est aussi lié à la fécondité et à la sexualité. Selon les anciens, il aurait appris la masturbation à son père Hermès, et l’aurait par la suite enseignée aux bergers, une pratique encore en usage, paraît-il, chez certains pastoureaux.
En l’an 490 av. J.-C. après la victoire contre les Perses à Marathon, les Athéniens exprimèrent leur gratitude à Pan lui instituant un culte, car ils lui attribuèrent leur victoire et la déroute de leurs ennemis à « la peur panique » de l’armée adverse qui auraient entendu ses cris stridents et entrevu ses gesticulations menaçantes.
Selon toute vraisemblance, c’est François Rabelais, grand amateur de récits antiques, qui introduisit ce mot dans la langue française en 1534, dans son roman Gargantua, en lui attribuant une majuscule et en l’écrivant « Panice ». Pour décrire la déroute des ennemis du royaume de Grandgousier, en pleine guerre picrocholine, il écrivit : « (…) ces gens fuyaient, ayant perdu le sens, sans que l’on sût la cause de leur fuite. Seule les poursuit une terreur Panice, terreur qu’ils avaient conçue en leurs âmes. »
Plus tard, Victor Hugo ira jusqu’à associer la panique à l’amour en écrivant : « L’amour, panique de la raison, se communique par le frisson. »