La petite histoire des mots
Colère
Jeudi dernier, le conseiller fédéral Guy Parmelin, à la tête du Département fédéral de l’économie, de la formation et de la recherche (DEFR), a dit comprendre la « colère paysanne » qui touche aussi la Suisse. Selon lui, il y eut une période où les prix étaient acceptables, mais on sent de plus en plus la pression des coûts. Cette « colère » ne le surprend donc pas.
Le mot « colère » désigne généralement un état affectif vif, voire violent, résultant du sentiment, réel ou supposé, d’une agression ou d’un désagrément, traduisant un vif mécontentement et accompagné de réactions parfois brutales. Le mot « colère » est issu du latin « cholera » qui veut dire « bile » mais aussi « colère », les émotions étant associées, chez les anciens, aux « humeurs » qui désignaient notamment les secrétions du foie.
Le terme latin a lui-même été emprunté au grec « kholéra » qui, dans la médecine hippocratique, désignait une maladie qui présentait des symptômes similaires au choléra, cette maladie épidémique contagieuse dont on sait aujourd’hui qu’elle est provoquée par une bactérie qui touche les intestins, provoquant une violente gastro-entérite et une rapide déshydratation pouvant conduire à une issue fatale. Le nom de cette maladie est d’ailleurs issu du grec « kholè » qui veut dire « bile ».
A la fin du Moyen-Âge, en vieux français, le mot « colere » désignait encore la bile. Ce n’est que vers le XVe siècle que « collere » ou « cholere » prirent le sens d’état affectif violent. Cependant, en ce temps-là, le mot habituel pour désigner la colère était « ire ». Ce terme, hérité du latin « ira », qui signifie « courroux » ou « fureur », est aujourd’hui tombé en désuétude mais reste valide au scrabble, au singulier ou au pluriel, avec un « s ». Au singulier, il ne rapporte cependant que trois modestes points. Notons au passage qu’autrefois, l’expression « chaude chole » était synonyme d’emportement.
La colère n’est pas forcément bonne pour la santé. Elle provoque une hausse de la tension artérielle, entraînant une augmentation de la température de la peau et son rougissement, accompagnée de transpiration et d’une accélération du rythme cardiaque. Les personnes incapables de gérer leurs émotions peuvent, lorsqu’elles sont en colère, se montrer agressives ou violentes, tant verbalement que physiquement.
Au sens figuré, pour évoquer des colères violentes, celles de l’empereur Napoléon, par exemple, on parlait encore, il n’y a pas si longtemps, de « colères jaunes », car on les attribuait, selon la croyance antique, à un excès de bile ; d’où l’expression « ne pas se faire de bile ». Aujourd’hui on préfèrera les expressions « colères noires », pour les plus vives, ou « colères froides » pour celles qui sont réelles mais contenues.
On attribue généralement au philosophe Aristote le proverbe « la colère est mauvaise conseillère », dans la mesure où elle obscurcit le jugement. Mais une « saine colère », justifiée et maitrisée, serait bienfaisante dans certaines circonstances. Selon l’historien français Robert Escarpit, « la colère est comme l’alcool : à petites doses et de temps en temps , cela peut rendre service. »