La petite histoire des mots
Retraite
La campagne sur l’initiative en faveur d’une 13e rente AVS est désormais entrée dans le vif du sujet. Le 3 mars prochain, les Suissesses et les Suisses s’exprimeront sur ce sujet pour le moins sensible, concernant l’avenir de leur retraite. Les auteurs de l’initiative souhaitent augmenter la rente de vieillesse d’une rente mensuelle supplémentaire. Une treizième rente s’ajouterait ainsi, chaque année, aux douze rentes actuelles du premier pilier.
Issue du langage militaire, le mot « retraite » a de nos jours plusieurs sens : il désigne le repli en bon ordre d’une armée, pour s’éloigner d’un ennemi après un combat ayant tourné à son désavantage ; un lieu dans lequel on se retire pour rechercher le calme et la réflexion, loin du brouhaha du monde ; la situation sociale et financière d’une personne qui atteint l’âge de se retirer de la vie active, mais aussi la pension versée à celles et ceux qui ont cotisé pour s’assurer un revenu, si possible décent, en mettant fin à leur carrière professionnelle.
Dans un livre intitulé « La retraite au fil des mots », Francesca Piselli, une spécialiste du langage, nous apprend que le mot « retraite » est dérivé du latin « retractus », le participe passé du verbe « retrahere » qui signifie « retirer » ou « tirer en arrière ». Issu de la substantivation du participe passé féminin de l’ancien verbe français « retraire », qui veut dire « retirer », le mot retraite désigna, vers la fin du XIIe siècle, « l’action de reculer ». Signalé pour la première fois en 1213, il indiquait uniquement l’action de se retirer d’un champ de bataille.
Par métonymie, ce mot évoqua aussi, à partir du XIVe siècle, la sonnerie du clairon qui annonce le couvre-feu (« sonner la retraite ») puis, vers 1580, l’obligation des soldats de regagner leur casernement. Mais à la même époque, on assista chez le grand Montaigne à un « enrichissement » du sens de ce terme. Dans ses « Essais », Montaigne emploie en effet le mot « retraicte » pour évoquer le fait de se retirer de la vie active ou mondaine, sans idée de mouvement. Le mot prit alors le sens de mode d’existence « en retrait ».
Il faudra cependant attendre la publication des dictionnaires du XIXe et surtout du XXe siècle pour que cette signification s’installe définitivement aux cotés du sens initial, et pour qu’apparaisse le substantif « retraité », synonyme de pensionné. Notons cependant au passage que, bien que tombé en désuétude, le verbe « retraire » n’a pas disparu. Il signifie « se retirer » mais aussi… « traire (une vache par ex.) une seconde fois », le verbe « traire » étant lui aussi issu du latin « retrahere ».
Terminons sur une note souriante avec cette citation anonyme dont l’auteur a apparemment vécu sa retraite dans l’ennui et l’inactivité : « Retraite : Après avoir filé droit, voici le temps de tourner en rond ».