La petite histoire des mots
Hystérie
Ce n’est manifestement pas le cas en Suisse, cependant, comme le rapportent certains médias, le Black Friday, appelé « Vendredi fou » au Québec, provoque de véritables scènes d’hystérie dans certains pays. C’est le cas aux Etats-Unis, par exemple, où cette tradition est née avant d’être importée en Europe. On y assite chaque année à des bousculades, voire des affrontements parfois rugueux, parmi les consommateurs qui se disputent âprement les articles soldés les plus recherchés.
Si dans le langage courant, le terme « hystérie » désigne une excitation incontrôlée, en psychiatrie il définit toute une série de névroses qui se manifestent par des phobies, des crises fonctionnelles ou psychologiques. L’hystérie fut longtemps associée aux seules femmes, ainsi qu’au diable, dans une perspective religieuse, avant d’évoluer vers une approche plus scientifique et désexualisée, dans la mesure où, en réalité, elle touche aussi bien les hommes que les femmes.
Le mot « hystérie » fut introduit en français au début du XVIIIe siècle, dérivé de l’adjectif « hystérique », apparu quant à lui quelque 200 ans plus tôt dans notre langue. Ces termes sont issus du mot grec « hystéra », passé sous la même forme au latin, qui signifie « utérus » ou « matrice ». Dans l’Antiquité, ce trouble mental, décrit pour la première fois par Hippocrate, le père de la médecine, qui s’en inspira très vraisemblablement d’un texte égyptien plus ancien, fut attribué à un hypothétique déplacement de l’utérus chez des femmes privées de relations sexuelles.
Cette idée d’une « maladie de l’utérus » expliquant ce trouble vu à l’époque comme exclusivement féminin, résista aux siècles. Au Moyen-Âge, cette maladie fut aussi perçue comme d’origine démoniaque, sous l’influence des croyances héritées de Saint-Augustin, notamment, liant le plaisir sexuel au péché. Cette croyance justifia des pratiques d’exorcisme particulièrement brutales à l’endroit des femmes soupçonnées d’être possédées.
Malgré les tentatives de la médecine moderne, comme celles du neurologue et académicien Jean-Martin Charcot, de démontrer que ce trouble psychologique n’épargnait pas les hommes, l’hystérie resta liée à la féminité jusqu’à la fin du XIXe siècle. Aujourd’hui encore, dans un registre d’une rare vulgarité, certains machos, perpétuateurs sans le savoir de cette fausse doctrine, n’hésitent pas à attribuer la susceptibilité ou le caractère bien affirmé de certaines femmes au fait qu’elle seraient « mal ba..ées » !
Une attitude déjà décriée au XIXe siècle, dans une société pourtant profondément patriarchale, par quelques précurseurs éclairés comme l’écrivain Jules Barbey d’Aurevilly qui écrivait : « Il est si rare maintenant quand une femme a du tempérament, que quand une femme en a, on dit que c’est de l’hystérie ».
Deux siècle plus tard, les injures (et les violences) sexistes sont encore loin d’avoir disparu…