La petite histoire des mots
Bourde

Au lendemain des élections fédérales, à la suite de l’incroyable erreur de l’Office fédéral de la statistique (OFS), Le Centre s’est offert une fausse joie, croyant qu’il était devenu le troisième parti suisse, aux dépens du PLR. Une fois cette inexactitude corrigée, la presse a utilisé les mots « couac » et « bourde » pour évoquer cette mauvaise estimation de l’OFS qui s’est aussitôt répandu en plates excuses.
Si l’étymologie du mot « couac » est assez facile à retracer, il en va tout autrement de « bourde ». Le premier, avéré dans la langue française dès le XVIe siècle, sous la forme « coac », est tout simplement l’onomatopée du cri du corbeau, puis par analogie celui d’un bruit désagréable, celui d’une discordance dans une ligne musicale, puis celui d’une maladresse.
Le second, antérieur de plusieurs siècles à « couac », désignait initialement un bobard, avant de prendre plus récemment le sens d’ « erreur grossière ». Au XIIe siècle, le mot « bourde », associé souvent à l’occitan « borda », qui veut dire « mensonge », définissait une fable forgée de toutes pièces, pour abuser de la crédulité de quelqu’un. Pour la plupart des linguistes, cependant, son origine reste « mystérieuse », ou associée à des explications tellement alambiquées qu’ils n’y croient pas eux-mêmes.
Certains étymologistes, minoritaires il est vrai, associent le mot « bourde » au vieux verbe « behourder » ou « behorder », issu du francique, la langue des Francs, « bihordôn » qui signifiait « entourer de palissades », d’où le verbe « border ». Au Moyen-Âge, « behourder » s’appliqua de plus en plus souvent aux palissades qui entouraient les enclos destinés aux tournois où les nobles et les chevaliers combattaient à la lance. Il finit par prendre la signification de « jouter » puis, par extension, celui de « plaisanter » ou de « railler », les joutes pouvant aussi être verbales. « Bourde », selon cette théorie contestée, serait donc la substantivation de « béhourder ».
Un fait plaide cependant peut-être pour cette hypothèse controversée : au Moyen-Âge, le mot « bourde » a été emprunté par la langue grecque. Cela s’est fait très vraisemblablement lors de la création, sur le territoire de l’empire byzantin, d’éphémères royaumes latins, principalement français, à la suite de la quatrième croisade, en 1204, qui a abouti au pillage de la ville chrétienne de Constantinople. Ce terme existe toujours en grec moderne, sous la forme « bourda » pour désigner une sottise. Et les étymologistes grecs l’associent eux aussi à « béhourder », sans cependant en être totalement certains.
Quoiqu’il en soit, gageons qu’aux prochaines élections, l’OFS se montrera plus prudent et s’abstiendra de faire encore « une boulette ». A propos, au propre, « boulette » veut dire « petite boule ». Mais il ne faut pas en conclure que celui qui a fait une bourde a fait une petite boule. « Boulette », dans le sens de bévue, vient de l’anglais « bull » qui signifie « taureau » et, au figuré, « bêtise » ou « bévue ». Les Anglais appellent « bull-head » (tête de taureau) celui qui fait des bourdes. « Bull-head » signifie textuellement « tête de c.. » !