La petite histoire des mots
Pogrom
Confiné depuis des décennies, à quelques exceptions près, dans les dictionnaires et les livres d’histoires, le mot « pogrom » a brutalement ressurgi dans les journaux, à la radio et sur les plateaux de télévision, après les massacres indiscriminés et les prises d’otages commis par les Islamistes du Hamas. D’origine russe, ce terme signifie « destruction » ou « pillage ». Initialement, il désignait les meurtres, les viols, ainsi que les pillages visant les Juifs, et eux seuls, dans la Russie du XIXe siècle, sous l’instigation de la police tsariste et des autorités politiques et religieuses.
La première vague de massacres désignés historiquement comme « pogroms » eut lieu entre 1881 et 1884, lorsque les Juifs de Russie furent accusés à tort, à des fins politiques, d’avoir tué le Tsar Alexandre II, un souverain libéral assassiné par des anarchistes opposés à la monarchie. A Kiev, à Odessa et encore à Varsovie, alors possessions russes, les populations locales chrétiennes, encouragées par la police et les autorités, attaquèrent les communautés juives des villes et des villages. Aux destructions et aux pillages s’ajoutèrent des viols et des assassinats indiscriminés d’hommes, de femmes et d’enfants. Les « pogroms » connurent une métamorphose à partir de 1914, lorsqu’Ils ne furent plus le fait des foules mais de l’armée.
Après la révolution de 1917, en Russie, les Juifs furent accusés par les contre-révolutionnaires d’être les instigateurs du bolchevisme. Pour éradiquer le « judéo-bolchevisme », des milliers de « pogroms » furent organisés à partir de 1918 par les nationalistes ukrainiens, les responsables polonais et même les soldats de l’armée rouge. Des communautés entières furent ainsi exterminées, notamment en Ukraine et en Biélorussie. On estime à 120 mille le nombre de morts. Cet antisémitisme brutal se répandit dans presque toute l’Europe de l’Est, jusqu’en Allemagne, avec les résultats que l’on sait …
La première attestation en français de ce terme, sous la forme « pogrome », date de 1903. Le « e » final finit progressivement par disparaître. De nos jours un « pogrom » désigne une émeute ou une attaque antisémite violente et meurtrière, mais aussi tout mouvement violent dirigé contre une communauté ethnique. Le mot existe sous la même forme en anglais, en allemand, en italien, et dans de nombreuses autres langues.
Il est intéressant de noter que l’antisémitisme et les pogroms qui s’ensuivirent furent et sont encore nourris par un livre intitulé « Les Protocoles des Sages de Sion », qui détaille un plan de conquête du monde, établi par les Juifs et les francs-maçons. On sait aujourd’hui que ce texte, publié pour le première fois en 1903, fut inventé de toutes pièces par la police du tsar pour justifier et encourager l’éradication des communautés juives. Dans plusieurs pays musulmans, cet ouvrage est toujours un best-seller, présenté comme un document parfaitement authentique…