La petite histoire des mots
Huée

Vendredi dernier, une partie du public du Stade de France a hué et sifflé le président Emmanuel Macron, lors de son discours d’ouverture du Mondial 2023 de rugby, avant le match qui opposait la France à la Nouvelle-Zélande. Cette attitude a été diversement appréciée, sur les réseaux sociaux notamment, certains estimant que c’était « bien fait pour Macron », alors que d’autres dénonçaient un affligeant manque de dignité, typiquement gaulois, sous les caméras du monde entier.
De nos jours « huer », synonyme de « conspuer », consiste à vociférer et pousser des cris de dérision ou d’hostilité, des « huées », à l’encontre de quelqu’un, afin de marquer son opposition ou son mécontentement. A l’origine cependant, au Moyen-Âge par exemple, ce cri était d’abord destiné à effrayer un animal pour le faire sortir du lieu où il se terre pour le pousser vers les chasseurs. Ce verbe, ainsi que le substantif qui lui est associé, sont issus de la vieille interjection « hu ! », qui nous a donné « hue ! », ce cri dont se servent encore les charretiers pour faire avancer leurs chevaux ou les faire tourner à gauche ou à droite. Certains dialectologue y voient une déformation de « ī » (va), l’impératif latin de « ire » (aller).
Cette hypothèse s’appuie sur l’existence en vieux français de deux verbes appartenant à la famille « hue ! » mais privilégiant le son « i » à la place du son « u » : le verbe « hier » qui signifiait « s’égosiller », et le verbe « hiller » qui voulait dire « hurler ». Dans certains patois normands, le verbe « hiper » a encore le sens d’appeler au loin, en poussant un cri prolongé. Notons encore que lors de la révolution industrielle, au XIXe siècle, dans la région du Berry, une « huée » désignait le cri qui servait de signal aux ouvriers pour les avertir que leur journée de travail était terminée et qu’ils pouvaient rentrer chez eux.
L’expression « à hue et à dia » associe le mot « hue », au mot « dia » également utilisé autrefois par les charretiers pour exciter et faire tourner leurs chevaux. Elle est issue d’une expression du XVIIe siècle : « Il n’entend ni à hue, ni à dia » pour dire de la personne visée qu’elle est « bouchée » et qu’il est vain d’essayer de lui faire entendre raison. De nos jours, « tirer à hue et à dia » signifie agir de manière contradictoire, désordonnée et chaotique, en allant dans tous les sens, sans suivre une ligne précise.
Pour en revenir au discours d’Emmanuel Macron, relevons qu’après les huées qui lui furent destinées, le président français souleva l’enthousiasme de la foule en souhaitant la victoire de l’équipe de France qui fut longuement acclamée et applaudie. Voilà qui nous amène à cette citation de l’écrivain et humoriste Tristan Bernard, selon qui « Applaudir est vraiment une grande jouissance, qui n’a d’égale que celle de huer ».