La petite histoire des mots
Elève

Lundi dernier, quelque 13’000 élèves ont fait leur rentrée dans les écoles, écoles professionnelles et autres gymnases du canton de Vaud. Il est cocasse de constater que le mot « élève », pour désigner un écolier ou une écolière, est d’un usage relativement récent. Jusqu’au XIXe siècle, il était le plus souvent synonyme de culture de plantes ou d’élevage d’animaux.
Le mot « élève », est associé au verbe « élever », issu du latin « levare » qui signifiait « porter du bas vers le haut » (soulever), puis dans un sens figuré, « assurer le développement de quelqu’un ou de quelque chose ». Ce mot, au féminin, est attesté en français dès le début du XVIe siècle. On disait alors « faire une bonne élève », en parlant d’agriculteurs qui faisaient croître leurs cultures, ou d’éleveurs qui prenaient soin de leur troupeau. Ce n’est que vers le milieu du XIXe siècle que le terme « élevage », pour les animaux domestiques, prendra progressivement la place de « élève ».
Dans un carnet de voyages, paru en 1801, intitulé « Voyage dans la haute Pennsylvanie et dans l’Etat de New York », l’auteur français Jean de Crèvecoeur écrit, par exemple, avoir vu, lors de ses explorations des campagnes américaines, « un grand nombre de bestiaux et d’élèves ». Il ne parlait évidemment pas d’attroupements d’écoliers et d’écolières, mais bien de troupeaux de bétail.
Si le mot « élève » est, très progressivement, devenu synonyme de disciple ou d’écolier, on le doit à la langue italienne. En français, on le trouve pour la première fois dans ce sens en 1653, dans un texte intitulé « Recherches italiennes et françaises » du grammairien, lexicographe et hispaniste français César Oudin, qui s’est inspiré de l’italien « allevio », dérivé de la même racine latine « levare ». Dans l’Italie de la Renaissance, l’ « allevio » désignait un jeune garçon ou un adolescent qu’un maître de peinture initiait à son art.
Il faudra cependant attendre la fin du XIXe et le début du XXe pour que le mot « élève » se débarrasse de sa connotation agricole et rurale pour endosser définitivement son identité scolaire contemporaine. Dans son édition de 1874, pour définir ce terme, le dictionnaire Littré donnait encore l’exemple suivant : « L’élève d’un troupeau de mérinos », le mérinos étant une race ovine originaire d’Espagne élevée pour l’excellente qualité de sa laine.
Pour encourager les élèves vaudois qui reprennent le travail, on rappellera encore que le mot « école », qui évoque si souvent un devoir contraignant et parfois fastidieux, nous vient du mot grec « skholế », d’où est aussi issu le mot « scolaire », qui voulait dire… « arrêt du travail » !
Dans l’Antiquité, chez les Hellènes les plus aisés, les Athéniens notamment, acquérir des savoirs n’était absolument pas considéré comme une corvée, mais bien comme une liberté et un privilège. Aussi occupaient-ils leur temps libre, autrement dit leur « skholế », à se « cultiver ».
Comme « élève », le mot « culture » est lui aussi issu du latin et est associé autant au savoir qu’à l’agriculture…