La petite histoire des mots
Boycott
Les appels à boycotter les rencontres de la Coupe du monde de football au Qatar n’ont manifestement pas eu les effets escomptés : les stades ont souvent fait le plein de spectateurs et les audiences des retransmissions télévisées n’ont de loin pas déçu les chaînes concernées, en Suisse notamment. Il n’est pas question de revenir ici sur l’indignation soulevée par les circonstances qui ont entouré la préparation de ce Mondial 2022, ni d’évoquer la situation des droits humains au Qatar, ceux des femmes notamment, l’objectif de cette chronique étant d’explorer l’origine des mots, dans le cas présent celle du substantif « boycott ».
Ce terme désigne le refus collectif et systématique d’acheter ou de vendre des produits ou des services, voire de soutenir une manifestation, comme dans le cas qui nous occupe. A son origine, on trouve un nom propre, celui de Charles Cunningham Boycott. Ancien officier de l’armée britannique, devenu intendant d’un domaine agricole en Irlande, pour le compte d’un noble anglais, il fut chargé par son maître, en 1879, d’expulser les paysans qui refusaient de payer leur loyer, à la suite d’une récolte désastreuse. Or, non seulement les paysans ne cédèrent pas à ses injonctions, mais ils refusèrent aussi de lui livrer leur moisson. Boycott engagea alors des ouvriers au prix fort, mais ceux-ci arrivèrent trop tard, ce qui entraina sa ruine.
L’affaire fut largement rapportée par la presse britannique qui adopta le mot « boycott » pour parler de la mise à l’index de ce « méchant » intendant. C’est ainsi que son patronyme devint un nom commun synonyme de quarantaine, d’abord en anglais puis, dès 1881 dans la langue française qui adopta le verbe « boycotter » ainsi que le substantif « boycottage ». Historiquement, c’est donc bien le terme « boycottage » qui prévaut. L’usage correct du français voudrait qu’on le préfère à sa version raccourcie. Les dictionnaires québécois ne reconnaissent d’ailleurs que la forme longue. Mais l’Académie française admet « boycott » qui a trouvé sa place aussi bien dans le Larousse que dans le Robert.
Le procédé qui consiste à transformer un nom propre en nom commun est appelé « antonomase », un mot qui associe les termes grecs « anti » (à la place de) et « onomázein » (nommer). Quelques exemples ? On doit le mot « barème » à François Barrême, un mathématicien du XVIIe siècle ; Louis Béchameil de Nointel, maître d’hôtel de Louis XIV, a donné son nom à la « béchamel », la savoureuse sauce dont il est l’inventeur ; le lexicographe italien Ambrogio Calepino, auteur d’un dictionnaire latin-italien, publié en 1502, nous a offert le mot « calepin », etc.
Terminons par le mot « poubelle » qui nous vient d’Eugène Poubelle, préfet de la Seine qui, en 1884, généralisa le ramassage des ordures à Paris. Le journal parisien le Figaro fut le premier à parler de la « boîte Poubelle », en janvier 1884. Le substantif « poubelle » fut introduit six ans plus tard dans le Grand Dictionnaire Universel du XIXe siècle. L’intéressé ne s’en est apparemment pas formalisé. Il a fini sa vertueuse carrière comme ambassadeur de France au Vatican.