La petite histoire des mots
Nicolas (Saint)
Une fois n’est pas coutume, à une semaine de la célébration de la Saint-Nicolas, nous allons nous pencher sur l’histoire et le prénom de ce personnage qui fait encore rêver les enfants, en dépit de la place que lui a dérobé son avatar et concurrent, le Père Noël. Le prénom Nicolas nous vient du grec « Nikólaos » qui associe les mots « níkê » qui signifie « victoire » et « laós » qui veut dire « peuple ». Chez les premiers chrétiens, ce prénom avait, semble-t-il, pris le sens de « vainqueur des péchés du peuple ».
Ce prénom doit sa popularité à l’évêque Nicolas de Myre, une ville de l’Empire romain située en Anatolie, dans la Turquie actuelle. Il aurait vécu entre 270 et 343 de notre ère, sous le règne de l’empereur Constantin qui adopta le christianisme. Son culte, toujours très vivace parmi les orthodoxes et les catholiques, est attesté depuis le VIe siècle en Orient. Il s’est répandu en Occident depuis l’Italie à partir du XIe siècle. Réputé pour sa miséricorde et sa dévotion, Nicolas se singularisa en confisquant une cargaison de grains, réservée à l’empereur, au bénéfice de ses compatriotes accablés par la famine et en arrachant du gibet de braves bougres qui avaient osé critiquer le souverain ainsi que trois soldats accusés de complot.
Mais pourquoi Nicolas a-t-il fini par être hissé au rang de bienfaiteur des enfants ? A vrai dire, personne n’en sait rien ! L’historien français Emile Mâle a cependant émis une hypothèse. D’après lui, les enlumineurs byzantins, ignorant tout du dessin en perspective, représentèrent le sauvetage des trois fantassins de Constantin en montrant le saint beaucoup plus grand que ses protégés qui, au vu de leur petite taille, furent postérieurement confondus avec des marmots. Voilà comment serait né le mythe du gentil protecteur des enfants. Le bourreau, quant à lui, se métamorphosa en boucher, prêt à égorger ses petites victimes, avant de se réincarner en méchant Père Fouettard.
Hostiles au culte des saints, les protestants hollandais convertirent ultérieurement le pieux évêque de Myre en bienfaiteur laïc qu’ils baptisèrent Sinter Klaas ; un nom que les Américains transformèrent en « Santa Claus ». Dès le XIXe siècle, ils accolèrent à ce personnage une bouille de gros gnome congestionné, réjoui, et barbu ; une image que, dans les années 1930, l’illustrateur Haddon Hubbard Sundblom, fameux pour ses pin-up aguichantes, propagea mondialement, telle qu’on la connaît, pour le compte de la firme Coca-Cola. Et voilà pour notre Père Noël !
Relevons encore qu’au XIIe siècle, des marins italiens, de passage à Myre, emportèrent les reliques du Saint pour les soustraire aux envahisseurs ottomans. Elles reposent à la basilique San Nicola de Bari, ainsi qu’à la Cathédrale Saint Nicolas de Fribourg qui en obtint quelques fragments, quelques siècles plus tard. Il y a quelques années, la Turquie a réclamé ces reliques pour en faire une attraction touristique. Sans surprise, elle s’est heurtée à un refus ferme et sans appel. Bonne Saint-Nicolas…