La petite histoire des mots
Drone
L’utilisation massive de drones est, manifestement, en train de révolutionner la pratique de la guerre, comme en témoigne le conflit armé qui, depuis le mois de février, oppose les Ukrainiens aux Russes. Les premiers les utilisent essentiellement pour repérer des cibles pour leur artillerie ; les seconds pour détruire des objectifs, des infra-structures civiles notamment, à l’aide d’engins suicide chargés d’explosifs que l’Iran des mollahs, la semaine dernière, a reconnu avoir livré en grande quantité à Moscou.
Emprunté à l’anglais, le mot « drone » a fait son apparition dans la langue française dans les années 1980, pour désigner des aéronefs sans équipage dont le pilotage est automatique ou télécommandé, à usage civil ou militaire. En anglais le substantif « drone » désigne un faux bourdon, le mâle de l’abeille. Le mot est issu du vieux saxon. Quant au verbe anglais « to drone », il peut indistinctement signifier « bourdonner », « ronronner » ou « vrombir ».
Dans le monde de l’aviation, le mot « drone » est apparu pour la première fois en 1935, pour désigner un avion-cible automatisé, produit par le constructeur aéronautique britannique De Havilland. Cet appareil biplan, le DH.82 Tiger Moth, fut d’abord baptisé « Queen Bee » (reine des abeilles). Mais son vol était si lent et si bruyant, qu’il évoquait celui d’un maladroit et pataud faux bourdon. C’est pourquoi ses concepteurs, par dérision, l’affublèrent du sobriquet « drone ».
Ce terme fut ensuite repris aux Etats-Unis par l’US Navy, en 1941, pour désigner ses petits avions-cibles télécommandées de type OQ-2 Radioplane, qu’elle qualifia de « target drones » (bourdons cibles). La marine de guerre américaine tenta d’ailleurs d’en équiper certains de bombes pour détruire des installations japonaises sans mettre en péril ses pilotes, mais sans grand succès.
De nos jours, l’usage du mot « drone » est une particularité de la langue française. Bien qu’il soit présent dans la langue anglaise, les anglo-saxons lui préfèrent les acronymes « UAV », pour « Unmanned Aerial Vehicle » (véhicule aérien sans humain à bord) ou « UAS » pour « Unmanned Aircraft System », (système d’aéronef sans humain à bord). L’organisation de l’aviation civile internationale (OACI), qui dépend des Nations Unies, a quant à elle, retenu l’appellation « RPAS » pour « Remotely Piloted Aircraft System », soit (système d’avion piloté à distance).
L’un des principaux inventeurs du drone est le pilote militaire français Max Boucher. Le 2 juillet 1917, il parvint à faire voler un biplan de type Voisin 150 HP sans pilote sur une distance de 500 mètres, à 50 mètres au-dessus du sol. Le 14 septembre 1918, après avoir amélioré son système, il fit voler un biplan Voisin BN3 sur une centaine de kilomètres, pendant 51 minutes. Ce vol radiocommandé fut le premier d’un avion sans pilote couronné de succès. Le drone était né !