La petite histoire des mots
Débat
Georges Pop | En France, le débat entre les deux finalistes de la présidentielle reste le moment le plus suivi et le mieux épluché par les analystes et les électeurs. L’échange entre les deux candidats prend souvent des allures de combat sans merci, chaque intervenant cherchant à mettre son adversaire KO par la force des arguments, mais aussi par celle du cœur.
Etymologiquement, cette idée de bagarre n’est pas fortuite. Le substantif « débat » est un déverbal de « débattre » issu du vieux français « débatre » qui signifiait « lutter » ou encore « se quereller ». Il n’est d’ailleurs nul besoin d’être lexicologue pour s’apercevoir de la proximité des verbes « débattre » et « battre » qui, pour ce dernier, veut dire « frapper à grands coups », tous ces mots étant issus du latin « battuere » qui signifie « frapper » ou « rosser ».
En français, le mot « débats », au pluriel, est avéré dès le XIIIe siècle pour désigner une controverse ou une querelle, mais aussi une délibération dans un procès. Ce n’est que plus récemment, vers le XVIIIe siècle qu’il commencera à s’appliquer aussi aux disputes politiques ou parlementaires. De nos jours, en droit constitutionnel, les débats désignent les discussions au sein des assemblées parlementaires. En droit pénal français, les débats correspondent à une phase de la procédure judiciaire, en audience publique, pendant laquelle ont lieu les plaidoiries et les conclusions du Ministère public. Au sens figuré, « un débat de conscience » caractérise le conflit intérieur d’un individu aux prises avec des pulsions contradictoires. Quant à l’expression « se débattre », elle s’applique à celles et ceux qui luttent pour se dégager d’une situation angoissante, voire dangereuse, à la manière d’un poisson qui se débat en frétillant désespérément au bout de la ligne ou dans le filet d’un pêcheur.
En France, le premier débat télévisé du second tour de l’élection présidentielle eut lieu en 1974, avec la confrontation entre Valéry Giscard d’Estaing et François Mitterrand. Il s’inspirait de la pratique américaine, inaugurée en 1960 par Richard Nixon et John. F. Kennedy. Bien que ne constituant pas une obligation, ces débats télévisés entre prétendants à la présidence sont devenus une tradition, au fil des années, aussi bien en France qu’aux Etats-Unis. Le second tour de l’élection présidentielle française de 2002, qui a vu à s’opposer le président sortant, Jacques Chirac, et Jean-Marie Le Pen, père de Marine, a cependant été marqué par l’absence de débat télévisé entre les deux candidats, le président sortant ayant refusé de débattre avec son adversaire du Front National, jugé raciste et négationniste. « Face à l’intolérance et à la haine, il n’y a pas de transaction possible, pas de compromission possible, pas de débat possible » avait alors déclaré Jacques Chirac pour expliquer son refus. Furieux, Jean-Marie Le Pen avait aussitôt dénoncé une « piteuse dérobade », un « véritable scandale » et accusé Jacques Chirac de « se dégonfler » et de se « déshonorer ». Malgré ce refus et ces critiques, Jacques Chirac, soutenu par la droite et par la gauche, ainsi que par tous les candidats éliminés au 1er tour, hormis la trotskiste Arlette Laguiller, l’avait largement emporté au second tour, avec 82,21 % des suffrages.