La petite histoire des mots – Amende
La chronique de Georges Pop

Georges Pop | La semaine dernière, le Ministère public de la Confédération a infligé une amende de 1200 francs à un homme, hostile aux mesures sanitaires, qui avait insulté et tenté de menacer le conseiller fédéral Alain Berset durant la pandémie. Il a été reconnu coupable de tentative de violence et de menaces contre les autorités, pour avoir adressé des courriels haineux au chef du Département fédéral de l’intérieur.
Le mot « amende » définit une peine pécuniaire infligée par une autorité ou par la justice, en réapparition d’une infraction. Il est cocasse de relever que, orthographiquement, « amende » est souvent confondu avec son homonyme « amande » qui désigne le fruit de l’amandier. La confusion entre les deux termes est d’autant plus excusable que la graine riche en lipide, très appréciée des diététiciens, existait sous la graphie « amende » au moins jusqu’au XVIIe siècle. De même, « amende » s’écrivait souvent « amande » avant de prendre sa forme actuelle, un siècle plus tard. Bien que semblables phonétiquement, les deux termes ont des origines étymologiques distinctes. Le nom du fruit de l’amandier, déjà connu et très apprécié des Egyptiens et des autres peuples de l’Antiquité, nous vient du latin « amandula », lui-même issu du grec « amygdàlê » qui, en anatomie, vers la fin du Moyen-Age nous a donné le mot « amygdales », pour désigner ces deux glandes en forme d’amande placées aux deux côtés de la gorge.
Le déverbal du verbe « amender », quant à lui, nous vient du latin « emendare » qui signifie « corriger », « réparer » ou « punir » une faute. Au XIIe siècle déjà, on le trouve sous la graphie « amande » dans un texte du poète Chrétien de Troyes qui évoque une réparation morale. Attention à ne pas confondre la contravention, qui définit l’infraction, c’est-à-dire l’acte commis par un contrevenant qui a violé les lois ou les règles en vigueur, et l’amende, qui est la sanction de l’infraction, autrement dit la punition.
Pourquoi, en argot, le terme « contredanse », a-t-il pris au XIXe siècle le sens d’amende. Il n’existe aucune explication convaincante ! Peut-être parce qu’une amende fait gigoter de colère, une contredanse étant, à l’origine, une danse en couples, disposés en deux colonnes ou en carré, avec l’exécution de moulinets.
Pour une amende, on parle aussi, parfois, de « prune », un mot qui a pris, après les croisades, le sens de coup (de poing). Constatons encore que les amandes, tout comme les amendes, peuvent être « salées », les premières au propre, les secondes au figuré. L’adjectif « salé » fait, dans ce second cas, allusion au coût excessif de la sanction ou du produit. Jadis, le prix du sel était très élevé. Du coup, saler un produit c’était non seulement y ajouter de la saveur mais aussi accroître très sensiblement son prix.
A propos ! L’amende la plus « salée » de l’histoire récente a été payée par une banque suisse : en 2014, pour échapper à un procès, Crédit Suisse a du « cracher » 2,6 milliards de dollars au Trésor des Etats-Unis pour avoir incité des contribuables américains à échapper au fisc, en ouvrant des comptes secrets en Suisse.
Terminons par cette amusante observation de l’artiste belge Philippe Geluck, créateur de la célèbre série Le Chat, qui joue sur l’homonymie des deux termes évoqués ci-dessus. Selon lui, « Les contractuelles ont souvent les yeux… en amende » !