La petite histoire des mots
Drapeau

Georges Pop | Vendredi dernier, l’honneur de porter le drapeau suisse, lors du défilé de la cérémonie d’ouverture des 24es Jeux olympiques d’hiver, à Pékin, est revenu à la skieuse Wendy Holdener et au hockeyeur Andres Ambühl.
Sommairement dit, un « drapeau » est une pièce d’étoffe dont les couleurs et l’emblème représentent un pays, une région, une commune, un groupe, voire une marque. Certains drapeaux portent un message. C’est le cas du drapeau blanc, signe de paix ou de trêve ; des drapeaux de plage qui indiquent l’état de la mer, ou encore des « flottants » de la marine qui permettent d’échanger des messages. La liste n’est pas exhaustive.
Ce n’est que vers la fin du XIVe et le début du XVe siècle que le substantif « drapeau » acquit, en français, ses lettres de noblesse, en prenant progressivement la place des « bannières », « oriflammes » et autres « étendards ». Au Moyen-Âge, c’est le mot « estandart » qui désignait une enseigne de guerre. Il figure, notamment, dans la Chanson de Roland, un poème épique et une chanson de geste du XIe siècle. A la même époque, le mot « drapel », dont est issu notre drapeau moderne, n’était assigné qu’à un banal morceau de tissu, parfois un vêtement ou même un vulgaire chiffon. Au XIIIe siècle, « drapel » se transforma même en « drapiaus » pour désigner un morceau de tissu utilisé pour emmailloter un bébé, autrement dit… des langes ! N’est-il pas cocasse de relever cet apparentement étymologique entre un mot assigné autrefois aux couches d’un nourrisson pour contenir ses émissions intestinales et celui qui, de nos jours, symbolise un pays, avec toute la charge patriotique, voire nationaliste, qu’il implique ?
Comment en est-on arrivé là ? Très vraisemblablement sous l’influence de l’italien « drapello » qui est attesté, au sens de bannière, depuis la fin du Moyen-Âge. Le fait est que vers le fin du XVe siècle, après les guerres d’Italie, conduites par les rois de France, le mot « drapeau » s’est imposé dans le langage militaire pour désigner les bannières servant à rassembler les « piétons » ; autrement dit les soldats à pied, en opposition aux « chevaliers » qui combattaient à cheval. C’est sans doute avec l’invention de la soie, en Chine, vers 1500 avant JC que sont apparus les premiers drapeaux, sous la forme d’oriflammes multicolores flottant au vent.
Les premiers drapeaux nationaux, tels que nous les connaissons aujourd’hui, ne sont apparus qu’à la fin XVIIIe siècle. L’origine du drapeau suisse remonte à la bataille de Laupen, dans le canton de Berne, en 1339. Pour se différencier des autres combattants, les Bernois, qui mirent en déroute une coalition formée par Louis IV de Bavière, avaient cousu une croix blanche sur leur cotte de maille. L’actuel drapeau fédéral a été créé en 1840 et fut, dans sa forme actuelle, inscrit dans la Constitution en 1848.
Notre drapeau a une particularité : il est carré. Avec celui du Vatican, c’est le seul au monde à avoir cette forme. Pourquoi ? Cela remonte à la fin du XVIIIe siècle, quand les étendards militaires des cantons suisses, encore non unifiés, étaient carrés, pour intégrer leurs armoiries. Par souci d’homogénéité, le drapeau carré a été repris par l’armée fédérale au début du siècle suivant.