La petite histoire des mots
Bûche (de Noël)

Georges Pop | Après la tradition des biscuits de Noël, la semaine dernière, penchons-nous, aujourd’hui, sur celle de la bûche de Noël, très vivace dans les pays francophones, et passablement répandue dans nombre de pays européens. Ce gâteau, en forme de rondin de bois, qui finit le repas de Noël, puise ses origines dans un passé beaucoup plus lointain qu’on ne l’imagine habituellement. Depuis des temps immémoriaux, bien avant l’expansion du christianisme, dans le nord de l’Europe, notamment, on célébrait le solstice d’hiver et le retour de la lumière, après la nuit la plus longue de l’année, en brûlant pendant plusieurs jours un tronc d’arbre, en guise d’offrande aux dieux, pour s’attirer leurs bonnes grâces. Sous l’Empire romain, la célébration de la Nativité, dont on ignore le vrai jour, remplaça progressivement le culte du Soleil invaincu (Solis Invictus) qui saluait, chaque 25 décembre, le retour de l’astre du jour. Mais la tradition de la bûche survécut aux quatre coins de l’empire et fut progressivement intégrée dans les pratiques de la nouvelle religion. C’est ainsi que vers le XIIe siècle, ce rituel fut complètement assimilée par l’Eglise catholique qui lui conféra un caractère chrétien en arrosant les bûches d’eau bénite avant de les brûler. Pour porter bonheur, le feu devait se consumer sans interruption, du 24 décembre au soir, jusqu’à l’épiphanie. A cette occasion, il était de coutume, selon les régions, de manger des gâteaux. L’invention de l’ancêtre direct de bûche de Noël gourmande à engloutir, inspirée de celle que l’on brûlait, remonte au XIXe siècle, très vraisemblablement en France. Certaines sources évoquent sa création, vers 1834, par un apprenti pâtissier de Saint-Germain-des-Prés, à Paris. D’autres prétendent que la bûche de Noël a été inventée à Lyon, dans la cuisine du chocolatier Félix Bonnat, dans les années 1860. Cependant, la plupart des chroniqueurs du temps l’attribuent, vers 1870, au pâtissier parisien Quillet, entré dans l’histoire de l’alimentation pour avoir inventé la crème au beurre, une crème sans crème dont la recette comprenait du sirop de sucre, des jaunes d’œuf, de l’orgeat, de la vanille et du beurre. En revanche, on ignore qui, le premier, lui donna le nom de « bûche de Noël ». Le mot « bûche » qui désigne un morceau de bois taillé pour le chauffage, est issu du latin vulgaire « buska », emprunté à un vieux terme germanique qui avait le sens de « bois » ou de « bosquet ». « Buska » ou « Busca » était encore en usage au XIe siècle au sens de « bois de chauffage ». Au XIIe siècle, bûche s’écrivait « busche », puis « buche » à partir du XVIe siècle. De nos jours, le mot se retrouve dans plusieurs expressions : une « vraie bûche » est un individu lourd et stupide ; « dormir comme une bûche » veut dire dormir très profondément ; « avoir la tête dure comme une bûche » signifie être entêté. Enfin en Suisse, une bûche est aussi synonyme d’amende ou de contredanse. La bûche de Noël s’est popularisée en France après la Seconde Guerre mondiale, vers 1950, avant de se répandre dans beaucoup de pays francophones. Au Royaume-Uni, par exemple, on lui préfère le « Christmas Pudding », un pudding très roboratif – certains diraient un étouffe-chrétien – cuit à la vapeur avec des fruits secs, des noix et traditionnellement préparé avec de la graisse de rognon de bœuf. Les connaisseurs affirment qu’un pudding bien fait peut se conserver pendant… toute une année !


