La petite histoire des mots
Gaz
Georges Pop | Les relations entre l’Union européenne et les Etats-Unis ne sont pas totalement apaisées, malgré le départ de l’imprévisible Donald Trump et l’arrivée, à la Maison Blanche, de Joe Biden, jugé infiniment plus mesuré. Principal objet de discorde : le projet Nord Stream 2, fortement soutenu par l’Allemagne, qui prévoit l’installation d’un gazoduc géant, destiné à importer du gaz russe vers le nord de l’Europe. Washington y voit un projet géopolitique de Moscou visant à diviser l’Europe, et affaiblir sa sécurité énergétique, en la rendant trop dépendante de la Russie. Tout comme son prédécesseur, le nouveau président américain menace de sanctionner les entreprises européennes qui participent au projet. Il est intéressant de relever que le mot « gaz » fut inventé au tout début du XVIIe siècle, par un chimiste flamand, d’origine néerlandaise. Jean-Baptiste Van Helmont révéla d’une façon scientifique l’existence de ce qu’il appelait, initialement, des « exhalaisons ». On lui doit, notamment, l’identification du « gaz sylvestre », notre gaz carbonique, issu, selon ses observations, de la combustion du charbon ou de la fermentation du jus de certains fruits. Van Helmont, par analogie au vide apparent qu’il observait, inventa le mot « gas », en s’inspirant du mot grec « kháos » qui signifie « chaos » mais qui, dans la mythologie, désigne aussi l’espace immense et sombre qui existait avant la création du monde. Les scientifiques français finirent par adopter le mot, en remplaçant le « s » final par un « z ». Le terme, cependant, ne prit son sens moderne qu’à la toute fin du XVIIIe siècle. Le mot « gazoduc » est, évidemment, beaucoup plus récent, puisqu’il n’a été introduit, dans les encyclopédies techniques, qu’après la seconde guerre mondiale, pour désigner une conduite destinée au transport du gaz, de son lieu d’extraction à son lieu d’exploitation. « Gazoduc » est en fait une adaptation du mot « oléoduc », construit à la fin du XIXe siècle, sur le modèle de « aqueduc », pour remplacer le terme anglais « pipe-line ». Inutile de préciser qu’un oléoduc, du latin « oleum », qui veut dire « huile », et de « ducere » qui signifie « conduire », est une canalisation destinée au transport du pétrole, qu’il soit brut ou raffiné. Il existe, en français, de nombreuses expressions faisant référence au gaz. « Il y a de l’eau dans le gaz » veut dire que la situation et tendue. Cette expression fait référence à la formation de poches d’eau dans les points bas des canalisations, due à la condensation de la vapeur sur les réseaux, ce qui peut provoquer des petites explosions. Une « usine à gaz » est une expression péjorative qui désigne un système lourd et complexe, peu productif, voire inutile. « Mettre les gaz » est synonyme d’accélérer et évoque le combustible servant à faire tourner le moteur, dans les sports mécaniques. Curieusement, cette expression a été utilisée pour la première fois en 1914, dans le domaine des épreuves cyclistes. « Avoir des gaz » signifie que l’on souffre de flatulences. Nous terminerons cette chronique par cette citation – pertinente bien que triviale – d’un internaute anonyme qui a fait le « buzz » (terme anglais signifiant « bourdonnement » d’insecte) sur la Toile : « L’amour est comme un gaz, tu ne forces pas , sinon tu risques de faire caca ». A bon entendeur …