La petite histoire des mots
Sport
Georges Pop | C’est une première dans l’histoire des Jeux olympiques et du sport : il n’y aura pas de spectateurs venant de l’étranger à Tokyo cet été, du 23 juillet au 8 août prochains, en raison des risques sanitaires liés à la pandémie. La plus grande manifestation sportive de l’année sera donc, pour l’essentiel, suivie à la télévision ; comme d’habitude pour le commun des mortels ! Voilà qui nous amène au mot « sport » qui, dans la langue française, est beaucoup plus récent qu’on ne pourrait le penser à priori, puisqu’il n’a fait son apparition qu’au XIXe siècle. Inutile de le chercher dans des textes antérieurs : il n’existe pas ! Le mot « sport » est en réalité un mot anglais, issu de l’ancien français « desport » qui veut dire « amusement ». Au Moyen-Âge ou à la Renaissance, le sport était, en réalité, un simple amusement, destiné essentiellement aux nobles qui, pour se divertir, pratiquaient l’équitation, la chasse à courre, les tournois, les duels et d’autres activités de la même veine. Les moins nantis n’avaient guère le privilège, en ces temps, de s’offrir des loisirs. Bien que cette interprétation ne fasse pas l’unanimité, pour nombre d’historiens, le sport, dans sa conception moderne, est un phénomène apparu au sein de l’élite sociale de l’Angleterre industrielle. La forme compétitive et ludique du sport, telle que nous la connaissons de nos jours, s’est en effet développée dans le contexte de l’Angleterre victorienne, de 1820 à 1870, où des jeux populaires furent récupérés par la classe dominante qui les adapta à ses loisir. Après quoi, des clubs se constituèrent et les pratiques sportives se diffusèrent dans le reste de l’Europe, puis dans le monde. Certes, les anciens, les Grecs, par exemple, pratiquaient des joutes sportives, notamment à Olympie. L’historien français du sport Philippe Lyotard, de l’Université de Montpellier, estime cependant – et il n’est pas le seul – qu’il existe une dissemblance très nette entre le sport moderne et le sport antique. Pour lui, le record et la performance expriment une vision du monde radicalement différente entre les Grecs de l’Antiquité et les modernes. Pour les anciens, cette pratique était rituelle, culturelle et d’inspiration profondément religieuse, alors que pour nous, les modernes, le corps est vu comme une sorte de « machine de rendement ». Bref, en traversant la Manche, le mot « desport » s’est simplifié en « sport », avant d’être adopté, sous cette forme, par la langue française, pour la première fois dès 1828, puis par la langue allemande, trois ans plus tard. En Suisse, de nos jours, le sport occupe une place importante : notre pays recense plus de deux millions de licenciés en sport et compte quelque 20’000 clubs. Les fédérations qui comptent le plus grand nombre de licenciés sont la gymnastique, le football puis le tennis. Malgré sa taille modeste, la Suisse figure parmi les huit nations les plus médaillées aux Jeux olympiques d’hiver et dans les vingt-cinq premières aux Jeux olympiques d’été. Pour conclure, relevons que le plus célèbre des Britanniques du siècle dernier, fumeur invétéré et grand buveur de wiskey, mort à 90 ans, Winston Churchill, aurait répondu, à un journaliste qui l’interrogeait sur le secret de sa longévité : « No sport ! » Ironie ou pas, il paraît qu’il était un excellent joueur de polo dans sa jeunesse.