La petite histoire des mots
Pogrom
Georges Pop | Quelques jours après la prise d’assaut du Capitole par les partisans de Donald Trump, dans une vidéo de sept minutes, publiée sur Twitter, l’acteur et ancien gouverneur républicain de Californie, Arnold Schwarzenegger, qui est né en Autriche en 1947, est revenu sur ces événements pour condamner le président sortant, Donald Trump. Il y traite le milliardaire « de pire président de l’histoire des Etats-Unis », et compare la mise à sac du berceau de la démocratie américaine au « pogrom de la nuit de Cristal », orchestré par Adolf Hitler et ses sbires contre la communauté juive allemande, dans la nuit du 9 au 10 novembre 1938, puis dans la journée qui suivit. Cet évènement, qui vit près d’une centaine de Juifs assassinés, 30’000 autres internés dans des camps de concentration, des centaines de commerces saccagés et des dizaines de synagogues incendiées, ouvrit la voie à la politique globale d’extermination des Juifs par le régime nazi. Voilà qui nous amène au mot « pogrom » qui n’existe, dans la langue française, que depuis 1903, d’abord sous la forme « pogrome ». En russe, sa langue d’origine, « pogrom » signifie pillage, destruction ou massacre, selon les traductions. Historiquement, le « pogrom » désigne le mouvement antisémite violent de la Russie tsariste. Il se traduisit par des émeutes meurtrières, largement planifiées par la police du tsar, contre la population juive, indument accusée de crimes, dans le but de limiter ses droits économiques. Plus d’une centaine de pogroms eurent lieu entre 1881 et 1882, puis entre 1903 et 1906, au cours desquels des synagogues furent incendiées, des villages saccagés, des familles assassinées. L’armée russe n’arriva souvent que plusieurs jours après le début de ces massacres et il arriva même qu’elle y participe. Accusés par les contre-révolutionnaires d’être à l’origine du bolchevisme, les Juifs russes furent encore victimes de pogroms, entre 1918 et 1921, pendant la guerre civile. De nos jours, par analogie, le mot « pogrom » désigne tout mouvement antisémite violent, organisé sciemment par un régime politique, comme ce fut le cas lors de la nuit de Cristal. Par extension, il définit encore tout soulèvement violent et meurtrier contre des communautés juives. Il désigne aussi, désormais, tout mouvement brutal et sanguinaire, motivés par le racisme ou l’intolérance. Le mot « Pogrom » existe aussi en anglais. L’Oxford English Dictionary en donne la définition suivante : « un acte organisé de comportements cruels ou de meurtres, commis contre un groupe de personnes, en raison, notamment, de leur race ou de leur religion ». Partant ces deux dernières définitions, française et anglaise, la comparaison, entre les pogroms et l’assaut du Capitole, que l’interprète de Conan le barbare et de Terminator s’autorise dans sa vidéo, devient, peut-être, plus acceptable. En revanche, le rapprochement avec la nuit de Cristal laisse quelque peu songeur. Il est encore intéressant de noter que l’anglais a adopté le mot « Pogrom » dès 1882, plus de vingt ans avant le français. Selon certains linguistes, la langue de Shakespeare pourrait avoir servi d’intermédiaire entre le russe et le français.