La mise à l’enquête du parc éolien EolJorat Sud mal accueillie
Jusqu’au 11 juillet, les contestataires aux huit éoliennes prévues entre les communes de Montpreveyres, de Cugy, de Savigny
et de Froideville ont la possibilité de faire opposition. Une séance d’information s’est tenue en urgence pour sensibiliser et informer
la population sur les enjeux et les démarches à suivre. Prise de température.
Jeudi 13 juin 2024, à 19h30, la grande salle de Froideville est bondée et chacun semble être venu avec son lot d’inquiétudes : « Nous allons être oppressés par le bruit », s’insurge une habitante. « Pourquoi avoir inauguré un parc naturel et y installer des machines de plus de 200 mètres de haut juste à côté. Cela va nuire aux vivants », entendons-nous au premier rang. « Lausanne a bien calculé la date de mise à l’enquête juste après la votation de la loi sur l’électricité. En plus, le promoteur ne respecte pas la loi sur la circulation. En hiver, le givre sur les pâles pourrait être expulsé sur la route de Berne », explique une citoyenne à sa voisine de chaise. « Si ce parc devient réalité, c’est la porte ouverte à celui qui est prévu vers Corcelles-le-Jorat. »
EolJorat Sud : de quoi parle-t-on ?
Il s’agit d’un projet de parc éolien lancé en 2008 par la ville de Lausanne. C’est d’ailleurs elle qui en est le promoteur. EolJorat Sud compte huit éoliennes d’environ 200 mètres de hauteur. Des machines qui visent à sécuriser l’approvisionnement électrique hivernal en produisant entre 55 et 70 GWh par année d’électricité, couvrant les besoins de 22’000 à 28’000 ménages, c’est ce qu’informe l’entreprise Siren SA, société détenue à 100 % par la capitale vaudoise.
En 2015, le Conseil communal de Lausanne accepte le plan partiel d’affectation. Cette obligation légale a pour objectif de fixer les équipements pouvant être construits sur les parcelles concernées. Après sept années de procédures et de recours, le Tribunal fédéral donne son feu vert en 2022 pour la construction de EolJorat Sud. Inventorié d’importance nationale, le projet bénéficie de la loi « Windexpress » votée en 2023 par le Parlement. Un texte qui permet l’accélération des procédures pour la réalisation des projets d’importance nationale.
Comme pour le parc éolien de Sainte-Croix, qui a été mis en fonction au début de cette année, EolJorat Sud s’est confronté à une levée de boucliers. L’association Eoleresponsable s’était battue jusqu’au Tribunal fédéral contre le plan partiel d’affectation (PPA) pour empêcher la construction de ces machines. Aujourd’hui, la hache de guerre n’est pas enterrée, car même après sa défaite face à la justice, Eoleresponsable sensibilise toujours sur les impacts des éoliennes.
Critiques virulentes et inquiétudes sanitaires
Carlo Di Giandomenico, vice-président de l’association Eoleresponsable, a exposé les détails du projet : huit éoliennes, dont cinq de 199 mètres et trois de 206 mètres (hélices comprises) pour une production annuelle estimée à 55 GWh. « Une faible production en regard de l’impact environnemental et visuel ». A l’aide de simulations 3D, il projette à l’écran les emplacements des machines et les effets stroboscopiques que les pales pourraient produire : « Au crépuscule, leurs ombres s’inviteront dans les habitations plusieurs fois par minute. A la tombée de la nuit, une lumière rouge éclairera le sommet de chaque éolienne en permanence pour indiquer leur position aux avions ».
Pour Christian Amacker, la question n’est pas de s’opposer à la construction du parc éolien (voir interview), mais de se battre pour un respect de distances minimales par rapport aux habitations et au monde animal. « Contrairement aux pays de l’UE, la Suisse ne possède aucune réglementation qui fixe des minimas à respecter ». Le président de Eoleresponsable évoque les nuisances sonores, visuelles et électromagnétiques : « Les basses fréquences ont des effets sur la santé publique et la faune. Les chauves-souris connaissent une importante mortalité, car ces ondes font exploser leurs poumons. »
L’expérience Sainte-Croix
Invité à prendre la parole, Jean-Marc Blanc, secrétaire général de Paysage-libre Vaud mène actuellement un sondage auprès des habitants de la commune du Jura-Nord vaudois : « Le parc éolien est en service depuis le début de cette année. Les témoignages recueillis ont révélé des perturbations significatives dans la vie des résidents, certains ne pouvant plus supporter la proximité des éoliennes. Pas tous les locaux nous ont parlé de manière négative des six machines. Cependant, nous avons observé que plus la distance est proche avec les habitations, plus les effets sont nombreux ». Celui qui s’est battu contre la construction du premier parc éolien vaudois rapporte également les paroles des propriétaires d’animaux : « Une dame m’a certifié que ses poules ne pondent plus d’œufs depuis la mise en service et des agriculteurs observent des comportements anormaux de leurs bêtes. »
Appel à l’action
Une fois la présentation terminée, la soirée s’est conclue par un appel à l’opposition. Carlo Di Giandomenico a expliqué les démarches pour faire opposition, soulignant l’importance d’arguments individualisés pour que chaque opposition soit prise en considération. Une habitante s’est proposée pour aider les opposants dans leurs démarches.
Du côté du Conseil communal, Cédric Von Rohr a insisté sur le rôle crucial des médias : « Nous avons besoin des représentants de la presse. On compte sur vous pour véhiculer du bon sens. Il n’y a pas que les habitants des communes concernées qui peuvent faire opposition, mais tout citoyen suisse. Imaginez, on vient d’inaugurer un parc naturel, et quelques jours après, on veut y installer des éoliennes qui vont détruire le vivant. Il faut faire opposition », rappelle l’élu avant d’inviter les membres des autres communes à en faire autant.
Interview Christian Amacker, président de Eoleresponsable
Le Courrier : Qu’est-ce qui est en votre pouvoir pour faire capoter ce projet ?
Christian Amacker : Tout d’abord, il faut comprendre que la mise à l’enquête n’est pas la dernière étape avant l’obtention d’un permis de construire. Avant la délivrance de ce sésame, il sera nécessaire
de traiter les oppositions.
Un nouveau recours au Tribunal cantonal n’est pas exclu. Nous souhaitons une prise de conscience pour que la population ouvre les yeux.
LC : Pourquoi en vouloir à l’éolien ?
CA : L’éolien présente des problèmes sanitaires, des risques
pour les voies de communication, des impacts sur la faune,
sans parler du nombre d’années nécessaires pour atteindre
un équilibre climatique. Avec EolJorat Sud, nous sommes dans une région périurbaine. Planter une industrie éolienne ici va créer énormément de problèmes. Les promoteurs devraient réfléchir
à cela s’ils tiennent à leur crédibilité.
LC : Si je comprends bien, vous n’êtes pas fondamentalement contre les éoliennes, mais contre leur implantation à cet endroit ?
CA : Exactement, surtout avec une telle proximité des maisons
et d’une zone naturelle. Installez-les là où il y a du vent et loin
des habitations, il n’y a aucun problème. Mais ici, nous sommes
à 400 mètres des habitations, alors que l’expérience internationale recommande une distance de 1000 à 2000 mètres, c’est inacceptable. Comme citoyens proches, nous avons le droit
et le devoir de nous opposer.
LC : Selon-vous, présenter cette mise à l’enquête juste après l’adoption de la nouvelle loi sur l’électricité, est-ce stratégique ?
CA : Absolument. La nouvelle loi sur l’électricité favorise
la construction de tels projets au détriment de la protection
de l’environnement. Les oppositions seront traitées différemment, de manière moins favorable pour nous. Pour moi, il est clair
qu’ils profitent de la période des vacances pour réduire le nombre d’oppositions.
LC : Pensez-vous avoir réellement une chance de bloquer ce projet ?
CA : Oui, les chances sont là. Beaucoup de points n’ont pas été traités légalement. La conscience collective se développe
et les problèmes des parcs existants deviennent perceptibles.
Il ne s’agit pas du tout d’un combat perdu d’avance.
Propos recueillis par Thomas Cramatte