La ferme (vue de nuit) Anne-Frédérique Rochat – Editions Luce Wilquin
Milka | Anne-Frédérique Rochat, c’est mon rendez-vous de la rentrée. Et je sais que je vais passer un bon moment, un moment paisible. Certes, ses personnages ne sont jamais anodins, ils ont tous une petite part de folie, infime, presque imperceptible, mais qui fait qu’ils ne sont pas tout à fait comme les autres. Mais ce livre, tellement bien écrit, a eu le don de m’énerver. Non par son sujet, parfaitement bien traité comme à son habitude. Je ne suis pas en train de vous dire de ne pas le lire, bien au contraire. Je dis juste que certains aspects ont eu le don de m’agacer. La maison d’abord, avec cet escalier interminable. Celui qui l’a construite n’a-t-il pas pensé à ses vieux jours et aux efforts que lui coûterait son ascension? Et cette maison presque transparente tellement il a voulu laisser entrer la lumière. Tout le monde peut y lorgner à sa convenance. Aucune intimité! Les personnages ensuite. Annie, tellement docile, tellement soumise, presque insignifiante. Et Etienne, si égoïste, si macho, si hautain, si imbu de sa personne. Ah lui, je l’ai détesté dès le début. Parce que envoyer une carte vierge à une femme qu’on n’a plus revue depuis 15 ans en espérant qu’elle comprendra et qu’elle arrivera pied au plancher, faut oser! Mais le pire, c’est que ça marche. Elle accourt, persuadée qu’il a besoin d’elle. Alors qu’elle l’avait connu très jeune et qu’il était bien plus âgé qu’elle, il l’avait paternée à souhait et s’occupait de tout. Mais en s’occupant d’abord de ses envies à lui, sans concession pour elle, avec intransigeance, y compris en refusant de prendre en compte son désir d’enfant. Elle était donc partie et avait continué sa vie, eu un enfant. Et là. Il la siffle, et elle revient. Elle est de la trempe de ces femmes qui ne peuvent vivre que des passions amoureuses, qui ne se s’installent jamais dans la routine. Ce qui contraste d’ailleurs assez avec l’image physique qu’on s’en fait. C’est là toute la finesse d’Anne-Frédérique Rochat de nous balader dans cette histoire. Je pense que l’auteure a voulu traiter de la dépendance. J’ai d’abord un peu méprisé cette femme qui s’oublie elle-même. Puis en avançant dans la lecture, je me suis rendue compte que lui aussi avait été dépendant et le restait encore, à sa façon, sans concession. C’est un huis-clos très intéressant avec deux ou trois personnages qui font leur apparition puis disparaissent comme par magie. Une lecture surprenante.