La chronique du petit entrepreneur
Vous partez en vacances ?

Lucien Meylan | M’a demandé un client bienveillant au détour d’un mandat qui s’est éternisé par son manque de réactivité. Comme si la réponse positive à cette question centrale aurait pu lui enlever toute forme de culpabilité. Le manque d’organisation se justifie-t-il par un besoin de vacances ? Le débat est ouvert. En attendant, oui, je pars en vacances.
Les vacances d’été ont une saveur particulière pour les entrepreneurs. La conclusion d’une première fin du monde annuelle qui tombe au 30 juin ou, pour les plus coriaces, au dernier vendredi avant les vacances scolaires. A l’image du temps qui s’arrête pour laisser une fantastique piscine nous enrober durant plusieurs semaines. Bain de soleil ou rosé frais, chacun a son remède miracle au son des cigales. Mon cousin prétend que nous avons besoin de trois semaines pour vraiment décrocher. Une première pour penser à autre chose, une deuxième pour ne penser à rien et une troisième pour reprendre ses esprits, en préparation d’une reprise progressive.
Car oui, jusqu’à septembre, tout le monde est en dilettante. « Je vous validerai ça quand mon collègue sera revenu » ou « Nos bureaux sont fermés jusqu’au 15 août ». Toute formule a son alibi, mais contrairement à Noël, où le commun des mortels semble s’être mis d’accord de ne pas planter un clou pendant deux semaines, l’été s’articule comme un numéro d’équilibre socio-libéral dans lequel chacun a sa recette magique et son limoncello artisanal. Nous marchons sur des œufs. Nous envoyons un e-mail en retenant notre respiration. Recevrons-nous un message d’absence ? Si oui, de combien de temps ? Après la roulette russe, la roulette sarde, pour les amateurs de mer turquoise.
Les vacances, c’est aussi l’occasion de sentir patriotes. Pas en allant visiter St-Gall ou Küsnacht. Oh non. En se retrouvant entre Suisses sur l’autoroute du paradis. Je n’ai jamais ressenti autant d’amour pour un Soleurois qui me laisse me rabattre dans les bouchons entre Grenoble et Valence. Je n’ai jamais eu autant d’affection pour une famille obwaldienne qu’au moment de les écouter commander un « Perrier ». Nous découvrons, au fil des ralentissements, qu’outre-Sarine, ils aiment aussi la vie et le soleil. Voilà, désormais nous le savons – les Suisses allemands ne partent pas en vacances qu’en Autriche. Ils ont aussi envie de tartare au thon et de cocktails glacés. Du coup, je suis presque confiant pour les prochaines votations.
La pause estivale nous confronte aussi à nos excès hivernaux et à notre laxisme printanier. Non, nous n’avons rien anticipé. Le summer body n’est pas un mythe, c’est une lubie. Sommes-nous dans le déni ou l’abandon ? Est-ce temporaire ou héréditaire ? Nos fesses blanches reflètent peut-être notre assiduité à la tâche, mais nos rondeurs expriment, elles, notre manque de détermination. Mais rassurez-vous, il n’est jamais trop tard. Profitez de la plage, des plateaux de fruits de mer ou d’une bonne dose de glaces. Reposez-vous, autant que vous pouvez. L’été passera aussi vite qu’il est arrivé. Et soyez tranquille, à la rentrée, rien n’aura changé.
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