La chronique de Denis Pittet
Les JO de Paris, victimes des élections législatives françaises
Le 7 juin dernier, une grosse vingtaine de journalistes membres de l’Union de la presse francophone et du Cercle suisse de la presse étaient les hôtes du CIO au siège de Vidy à Lausanne. Accueil par le directeur général Christophe de Kepper, visite des lieux et session de questions-réponses avec Christophe Dubi, directeur exécutif des Jeux olympiques et Marie Sallois, directrice du développement de l’organisation et du développement durable. Du très beau linge comme on dit. Thème de la réunion : « JO de Paris 2024 : sprint final pour le CIO ». Ce jour-là il restait exactement 49 jours avant la cérémonie d’ouverture des JO de Paris. Utile précision : à l’heure où vous lisez ces lignes il reste désormais 21 jours. On ne va pas dire que nos interlocuteurs avaient l’air stressés. Non. Ils étaient concernés, concentrés, fatigués et nous ont bien fait comprendre combien c’était important de pouvoir s’exprimer si près du terme et combien ils avaient (aussi) d’autres choses à faire.
Le CIO a une communication lissée, qui se veut persuasive pour ne pas dire parfois extatique. L’auto-critique ou plutôt le fait d’aborder des vérités connues mais volontairement ignorées par l’Institution de Vidy est connue. Tout va donc pour le mieux dans le monde politiquement correct et totalement lissé auquel le CIO veut nous faire croire. Ce qui m’a frappé ce 7 juin dernier ? Durant plus d’une heure il n’a jamais été question de SPORT. Non. Mais alors on nous a balancé des tonnes d’égalité entre les sexes et les genres, de durabilité, de recyclage, d’inclusion, de respect du climat, d’économies d’énergies, d’héritage, de droits humains et de charte sociale. Evidemment, plus personne, aucune manifestation ou organisation n’échappe désormais à cela et Paris encore moins.
En décembre 2014, le CIO adoptait à Monaco l’Agenda 2020. C’était alors la Bible du CIO qui allait projeter ce dernier dans un futur parfait et tout propre. Le 30 juillet 2015 à Kuala Lumpur, Thomas Bach en ouverture de la 128e session du CIO martelait devant l’assemblée toutes les vertus de l’Agenda 2020. Mais le lendemain, le CIO désignait… Pékin pour accueillir les JO d’hiver 2022 ! Allez comprendre. Désormais, le CIO s’appuie sur l’Agenda 2020+5, version corrigée après que le Covid soit passé par là. Là on ne va pas chercher des poux au CIO, car il est vrai que les cinq dernières années n’ont pas été faciles et n’ont pas permis d’appliquer les réformes dans toute leur ampleur.
Epilogue : le 7 juin dernier, Christophe Dubi a répété à l’envi que le CIO avait « tout misé » sur les JO de Paris. « Les Jeux de Paris sont pour nous d’une importance capitale » a-t-il déclaré dans l’esprit. « Ce seront les premiers Jeux totalement compatibles Agenda 2020+5 ». On est prophète ou on ne l’est pas : deux soirs après, Emmanuel Macron annonçait la dissolution de l’Assemblée nationale, plongeant la France dans un chaos aussi inédit que dramatique. Du jamais vu. Je n’ose imaginer la tête des dirigeants du CIO ce dimanche soir-là. Aujourd’hui jeudi 4 juillet, nous sommes à 3 semaines du début des Jeux…
A l’heure où j’écris ces lignes, en France, les résultats du premier tour du dimanche 30 juin tombent. L’incertitude est forte. Les mots d’ordre pour le second tour confus. Mais peu importe : que l’avantage soit au Rassemblement national ou au Nouveau Front populaire, la crise et l’instabilité sont à leur comble. Un nouveau premier ministre va être désigné. La France descend et va être dans la rue. Avec toutes les dérives que cela comporte. J’espère me tromper.
Indépendamment de toutes choses, les JO de Paris et surtout toutes celles et ceux qui œuvrent et ont œuvré à la réussite de la manifestation n’ont pas besoin de cela, ni ne l’ont mérité.