La chronique de Denis Pittet
Le Groupe de Lausanne
En annonçant qu’il ne se représenterait pas la veille de la clôture des JO de Paris, Thomas Bach a lancé – qu’il le veuille ou pas – la campagne pour l’élection d’un nouveau président du CIO. Le CIO a ensuite publié très rapidement un document précisant les règles régissant cette campagne. Des règles plutôt strictes qui ne seront que peu respectées par les candidates et candidats. Quiconque connaît un brin le fonctionnement du CIO sait pertinemment qu’avant de se faire virer de la course, on reçoit facilement beaucoup de cartons jaunes et bien quelques rouges. On sauve la face. Bref. Pour le 15 septembre prochain, celles et ceux qui veulent être candidats devront écrire une lettre à Bach lui faisant ainsi part de leur intention. Le 16, les noms seront publiés. Ambiance. Pas possible d’avancer dissimulé. Et en mars 2025, à Olympie, le CIO annoncera le nom du successeur.
Ce n’est pas tous les jours qu’un nouveau (ou une nouvelle) président du CIO est élu. Depuis 1980, trois exactement. (Samaranch, Rogge et Bach). Depuis 44 ans donc, les Présidents habitent et aiment Lausanne. C’est le discours officiel. Mais en 40 ans, beaucoup de choses ont changé. Pour faire court, il n’est pas certain que le prochain Président aime Lausanne. Ou pas certain qu’il veuille y résider. Tous les discours convenus et de façade tenus par les édiles locaux n’y changeront rien si le ou la future président décide d’aller voir ailleurs. Pour de multiples raisons, dont celle que le monde du sport international glisse peu à peu vers l’Est. Pas l’Est de l’Allemagne, le lointain Est.
Le Groupe de Lausanne se réunit la première fois le 25 août 1981, au Palace de Lausanne. Quatre personnes ont pour but « d’apporter au Président Samaranch (JAS) un éclairage particulier, selon leurs expériences et compétences, afin qu’il puisse réaliser un de ses vœux primordiaux : faire de Lausanne, à nouveau, la capitale de l’Olympisme » (fin de citation, premier PV du groupe de Lausanne). Ces quatre personnes sont Fernando Riba, Gilbert Schwaar, Jean Presset et Raymond Pittet. En substance, le Groupe de Lausanne va donc initier JAS aux subtilités locales, politiques, de tradition, afin que le nouveau Président sache où il met les pieds et comprenne comment faire avancer les projets sans trop créer de remous, susciter de jalousies et/ou d’oppositions. Le dernier PV porte le numéro 43 et date du 18 janvier 1995. Il y est proposé la dissolution du Groupe.
On peut, à la lecture de ces archives, se limiter à deux conclusions essentielles. La première est que l’idée de constituer ce groupe était constructive et intelligente. On ne saurait que conseiller de répéter l’opération en juin prochain, lors de l’entrée en fonction du successeur de Thomas Bach. Tout ce qui pourra être fait dans le sens d’une pérennisation du siège du CIO à Lausanne, dans le canton et en Suisse devra être fait. Cela ne sera pas de trop.
La seconde est de constater à la lecture des archives du Groupe de Lausanne que ce dernier, en 1982, a déjà mis sur les rails l’aventure du futur Musée olympique, a imaginé la Semaine olympique et mis sur les fonds baptismaux les 20 km de Lausanne qui seront d’abord un semi-marathon. L’idée de désigner Lausanne capitale olympique (décembre 1993) est déjà sur les lèvres. Ces gens-là – et ceux qui seront entendus plus tard, associés et consultés – ont toutes et tous une chose précieuse en commun : ils ont eu des idées !
Aujourd’hui, les idées manquent. L’ambition manque. La région doit se préparer impérativement au départ de Thomas Bach et surtout anticiper l’arrivée du nouveau ou de la nouvelle président (e). Un accueil intelligent et enthousiaste ne seront pas de trop.