La « maréchaussée » Burki du château d’Oron
Episode 7
Nouvelle évasion François est jugé
Propos recueillis par Gilberte Colliard | François est dès lors maréchaussée, concierge, gardien et géôlier. Il est assisté par sa femme, Marie, née Décosterd, qui prépare, outre les repas de famille, ceux du ou des prisonniers. Bien qu’ils aient un logement tout proche, ils habitent le château où, à part les prisonniers, ils sont seuls. Tout semble aller pour le mieux. Ont-ils l’impression de mener la vie de château ? Hélas les ennuis vont bientôt commencer. La nuit du 1er au 2 septembre 1800, un charretier fribourgeois, enfermé pour quelques petits larcins à Estavayer, s’est évadé, on ne sait comment. La note de 10fr. 4bz de François pour la nourriture du prisonnier est envoyée au Préfet national, car personne ne sait si c’est à la République lémanique ou à celle de Fribourg de la payer. L’affaire ne semble pas avoir de suite. Le 5 février, le sous-préfet demande des ordres au Préfet national. En effet, François Burki demande l’aide d’un garde de prison, craignant qu’on fasse évader un prisonnier. La République est toujours pauvre et aucune suite n’est donnée à sa demande. Le 11 mars 1801, au soir, François rentrant de sa tournée, trouve une prison vide. Un nommé Butticaz, de Pully, était détenu, prévenu de complicité de vol d’un cheval. Le voleur, un nommé Nombridoz, avait passé le cheval en Savoie, au moyen d’une barque fournie par ce Butticaz, et n’avait pas pu être arrêté. François dépêche son fils Charles à Oron pour alerter l’agent national qui monte immédiatement au château. Celui-ci établit un rapport accablant François, prétendant qu’il ne mettait ses prisonniers sous clef que le soir et qu’à ses remontrances, il répondait toujours qu’il répondait d’eux. Le 16 mars, Le Préfet national ordonne sa destitution comme concierge. Le 18 mars, François se rend à Lausanne chez le Préfet national pour s’expliquer et demander grâce. Il fait remarquer que le jour de l’évasion, il était absent pour son service de maréchaussée et c’est sa femme qui, en obéissance à des ordres supérieurs, sortait de temps en temps les prisonniers de leur cellule pour leur permettre de se chauffer. Le Préfet national décide de surseoir au renvoi et de faire comparaître François devant le tribunal correctionnel. En même temps, il tance le sous-préfet qui n’a jamais donné d’instructions au geôlier. Ce dernier n’a jamais eu connaissance des arrêts et circulaires relatifs à la police des prisons et ne sait même pas ce qu’est un livre d’écrou ! Le sous-préfet s’excuse en arguant de sa mauvaise mémoire et relance la faute à la Municipalité d’Oron, qui après l’arrêté du 3 avril 1800 à la police des prisons et dont un membre aurait dû visiter les lieux au moins une fois par semaine et se rendre compte des négligences, ainsi que des besoins du concierge ou des prisonniers et y remédier en faisant faire un devis pour la chambre administrative. Il reconnaît auprès du Préfet national que Burki s’est toujours plaint, d’abord n’avait pas assez à 6 batz par jour pour nourrir les prisonniers et qu’il n’y avait pas assez à deux couvertures pour les garantir du froid, sous peine de les voir périr. De son côté, la chambre administrative fait remarquer au Préfet national, le 19 mars, que le château a trouvé un acquéreur, sans réserve au sujet des prisons et qu’il ne peut être question de nommer un nouveau concierge. Le 23 mars, elle confirme donc François dans ses fonctions jusqu’au moment de la vente du château. François restera donc en fonction jusque-là.
Le 8 mai 1801, le tribunal d’Oron, composé de 6 membres, tient séance pour entendre et juger François. Ce dernier explique que le prisonnier a été sorti de sa cellule, le soir, pour se chauffer à la cuisine du château. Prétextant un besoin, il est sorti du vestibule et, sans qu’on s’en aperçoive, est entré dans une ancienne chambre de domestique d’où il a sauté par la fenêtre sur un tas de paille et de fumier qui se trouvait au-dessous. Sur ces entrefaites, François est arrivé de son travail de maréchaussée. Comme il faisait presque nuit, il était inutile de courir après l’évadé. Le président lui demande s’il a reçu de l’argent du prisonnier ou de ses parents. Il répond naturellement non. Le président lui demande encore pourquoi il a donné autant de liberté ? Il explique que l’agent national lui avait ordonné de laisser sortir 2 ou 3 fois par jour les prisonniers pour s’échauffer, vu la rigueur de la saison. Il prétend également qu’il a été nommé concierge et non géôlier et que c’est son fils Charles qui emplissait cette fonction. Il reconnait avoir donné trop de liberté à ses prisonniers, mais que c’est par humanité. Il réitère pour sa défense que, ne pouvant pas fournir des couvertures en suffisance à tous ces prisonniers, il en résulte qu’ils étaient en souffrance et que, s’il était indulgent, c’est par humanité et pour n’avoir pu obtenir le nécessaire. Il sera condamné à deux fois vingt-quatre heures d’arrêts. François fait appel, mais on ignore comment s’est terminé l’appel.