La « maréchaussée » Burki du château d’Oron
Episode 4
Jean-Antoine, le maître charpentier
Propos recueillis par Gilberte Colliard | Dès 1779, c’est Jean-Antoine, le charpentier, qui commence à se constituer un domaine. Il achète au printemps 1/3 de pose d’oche (terre cultivable) pour 400 florins (80 écus petits), en empruntant 50 écus petits. En automne, il vend une vache et un tas de foin pour 50 écus petits. Mais comme l’acquéreur ne peut pas payer comptant, il signe une reconnaissance de dette notariée, promettant de payer à Pâques prochain, sans intérêt jusque-là. En 1780, Jean-Antoine achète, en avril, mai et décembre, 3 demi poses et 2 poses et demi de champs. En 1781, il achète une maison avec un petit rural au Bois Léderery pour 600 écus petits, à noter que, contrairement à son père, il paie tous ses achats comptant. Il restaure cette maison. Comme celle de son père, elle porte encore sur la poutre au-dessus de la porte d’entrée un écusson gravé, agrémenté de fleurs, étoiles et cœurs, également gravées, les lettres IATB et la date de 1782. Jean-Antoine a certainement eu besoin de bois pour refaire la charpente de sa maison. Sinon, comment expliquer qu’en février 1781, le bailli Tschifferli inflige une amende de 15 florins aux « Burki » pour avoir coupé du bois mis à ban et en juillet 1781 une nouvelle amende de 30 florins pour récidive. 1/3 de l’amende étant allée au forestier qui les a dénoncés. A part ses activités agricoles, Jean-Antoine continue son œuvre de maître d’état. Les comptes baillivaux font état de réparations effectuées par lui au corps de garde à Oron, au château et à l’église à Oron et à Palézieux, pour lesquelles il a reçu 38 florins en 1780, 110 en 1781 et 109 en 1783. En 1783, le chapitre des amendes révèle que Jean Rubattel a dû payer une amende de 10 florins pour avoir maltraité François Burki au Logis de l’Ours à Oron et s’en être remis à la grâce du bailli, Béat-François-Louis May de Hünigen, qui a remplacé la prison par une amende. A l’époque, il y avait souvent des amendes pour bagarres. 1/3 de l’amende allait au bailli, 1/3 au fiscal et le tiers restant à LL.EE.
Dès 1785, François succède à son père
L’année 1785 est importante et marque un tournant dans la chronique de la famille Burki. Le 28 janvier, François, fils de Nicolas épouse une jeune fille des Thioleyres, Marie Décosterd. Le 5 avril, Nicolas vend presque tous ses fonds à divers agriculteurs d’Oron et cède sa maison avec 3 champs (1/16 de pose,
2 poses et 1 pose) à son fils François pour le prix de 1154 écus petits non payés, mais reconnus par un acte de revers et garantis par un cautionnement du père de Marie Décosterd, sa belle-fille. Le 25 avril, Jean-Antoine vend tout son domaine, maison et 13 poses à son beau-frère Pierre-Louis Blanchoud pour 1900 écus petits et part avec son père et ses 2 autres frères Jean-Gabriel et Jean-Jacques, pour les Monts-de-Corsier où ils ont acheté en commun un vaste domaine d’environ 80 poses, laissant François seul à Oron. Nicolas, bien qu’habitant la Grangette des Monts-de-Corsier, exerce encore ses fonctions. Il cède sa place à son fils François qui entre en fonction le 1er septembre comme patrouilleur, avec une paie de 8 batz par jour. Le 8 septembre naît le premier enfant de François, Charles-Victor. Le bailli Béat-François-Louis May est en fonction à cette époque et ce sont deux de ses enfants, Charles Victor et Rosette qui sont parrain et marraine du petit Burki. Tout semble aller le mieux du monde et rien ne laisse prévoir que la domination bernoise est bientôt terminée au Pays de Vaud. François, demeuré seul Burki à Oron, patrouille à travers le baillage comme l’a fait son père pendant 38 ans. Il a 30 ans. Il cultive accessoirement les 3 poses lui restant du domaine agricole. En 1787, et 1789, il achète des champs de ¾ de pose, 5 quarterons1 puis une ½ pose. En 1789, la révolution française semble provoquer quelques remous en Pays de Vaud, car on adjoint un aide temporaire à François en la personne de Jean-André Blanchoud, qui fait avec lui 93 jours de patrouilles. En 1790, c’est Georges Cardinaux qui l’accompagne 14 jours dans les patrouilles au canton de Fribourg. Puis il est à nouveau seul et est nommé caporal le 1er janvier 1793, sa paie étant portée à 10 batz par jour. Elle correspond à Fr. 30.- par mois, car on commence à parler de francs2. Au hasard des comptes du receveur baillival, tenus en français dès 1794, on note : en 1797, François est allé à Lavaux dans toutes les caves du baillage (Corsier, Dézaley, Burignon, Rueyres et Cully) pour chercher les étalons de fonte afin de les envoyer à Berne pour les rejustifier et pour les avoir reportés à leur retour. Tout cela pour 5 florins, soit Fr. 2.-.
1. Quarteron signifie ¼ de quelque chose, ici de pose.
2. Fin du XVIIIe siècle, on commence à parler en francs
En comparaison, ci-après quelques salaires mensuels et quelques coûts :
Manœuvre Fr. 24.00
Ouvrier Fr. 12.00
Tailleur Fr. 15.00
Ouvrier agricole Fr. 30.00
Instituteur Fr. 40.00
Pasteur Fr. 70.00
1 litre de lait Fr. 0.10
1 kilo de pain Fr. 0.35
1 kilo de beurre Fr. 1.50
1 kilo de viande de bœuf Fr. 0.60
100 kg de pommes de terre Fr. 4.10
1 kilo de sucre Fr. 3.60
1 paire de chaussures Fr. 5.00
1 complet d’homme Fr. 50.00