La « maréchaussée » Burki du Château d’Oron
Episode 3
Entre 1747 à 1785 Nicolas
Propos recueillis par Gilberte Colliard | Nicolas est seul patrouilleur pour tout le bailliage d’Oron, qui ne comprend pas tout le district actuel. En effet, le Haut Jorat, de Montpreveyres à Moudon, dépend du baillage de Moudon. Le baillage d’Oron s’étend de Servion à Chesalles en direction du Léman et possède des vignobles et des caves à Lavaux. Il reçoit une paie de 8 batz par jour, soit par année 146 écus petits et 8 batz de plus les années bissextiles. Sur cette paie, il doit se loger, se nourrir et se vêtir. Il reçoit en outre une indemnité quand il doit se rendre hors du bailliage, et un crutz par coup de bâton qu’il doit administrer par ordre de la Justice baillivale. En a-t-il asséné beaucoup ?
Nicolas est appelé communément : le « maréchaussée ». C’est sous cette dénomination qu’il figure dans les actes des notaires, soit à titre de témoins quelquefois, soit à titre d’acquéreur de biens immobiliers.
Les enfants grandissent et il faut les installer. Son premier fils, Jean-Antoine, apprend le métier de charpentier et deviendra maître-charpentier, si l’on en croit les actes d’achat où il figure comme acheteur ou vendeur. Le 5 février 1768, Nicolas achète 1/16 de pose 1 pour 40 florins, puis le 9 avril, 2 poses pour 410 florins. Ne possédant pas d’argent, il constitue un acte de revers en faveur du vendeur (équivalant de nos jours à
l’hypothèque légale du vendeur).
Le 1er décembre 1770, son logement étant devenu bien petit pour sa famille, il achète les ruines d’un bâtiment incendié, avec une pose de terrain autour, pour le prix de 1000 florins, soit 200 écus petits, que le secrétaire baillival lui prête par hypothèque sous forme de lettre de rente.
Avec l’aide de son fils Jean-Antoine, le charpentier, il reconstruit la maison. Cette maison avec son petit rural attenant abritera la famille Burki jusqu’en 1904. Elle existe encore et porte sur une poutre, au-dessus de l’entrée, un écusson gravé par Jean-Antoine, avec les lettres NB à gauche (Nicolas Burki), IATB à droite (Jean Antoine Burki), ISN au centre (peut-être une abréviation religieuse), et la date du 3 mai 1771.
Le 24 octobre 1771, a lieu une mise aux enchères publiques sous autorité de justice. Nicolas, qui désire un bois, probablement pour son fils, pousse les enchères à 310 livres (775 florins) pour 2 poses de bois. Mais il ne possède pas l’argent et ne trouve pas de prêteur. La Justice décide que la pièce sera remisée à la folle enchère (c’est-à-dire que le précédent adjudicataire devra payer la différence). Toutefois, les choses s’arrangent, les vendeurs lui rabattent 50 livres et il est « invêti judiciellement » le 10 novembre 1771 pour le prix de 260 livres. Mais le receveur baillival ne l’entend pas de cette oreille. Comme de telles « manigations » peuvent être de conséquence et préjudiciables aux droits souverains, il exige le « laud sur le pied de l’échute » soit une commission de 31 livres (10% du prix initial de 310 livres).
Le 13 avril 1772, après 25 ans de service, le bailli Charles-Frédéric May (du château de Hünigen) le nomme caporal de la Maréchaussée. C’est un grade purement honorifique, car il est toujours seul pour le bailliage et n’a personne sous ses ordres.
Cette même année, on apprend par les comptes du château qu’il a acheté 4 sacs d’avoine à 18 florins le sac, probablement pour ensemencer ses champs.
Le 2 janvier 1775, il connaît une nouvelle mésaventure. Il achète deux demi poses de champ à Oron-le-Châtel et à
Chesalles, pour 50 écus petits, toujours avec acte de revers en faveur du vendeur. Mais un parent du vendeur utilise son droit de rétraction lignager (correspondant au droit de préemption familial actuel) et Nicolas doit lui céder ces fonds le 20 janvier suivant, contre remboursement de ce qu’il a déboursé. En 1775, 1776, 1779 et 1784, Nicolas achète 4 poses de champs constituant chaque fois un acte de revers au vendeur, car il ne peut toujours pas payer comptant.
1.
La pose est une ancienne unité de surface notamment utilisée en Suisse. Avant le XVIIIe siècle, la pose peut varier entre 41 et 62 ares en plaine ou entre 27 à 36 a dans le
plateau. Au XVIIIe siècle, elle est harmonisée avec le seiteur utilisé plutôt en Suisse alémanique. Dès lors et jusqu’à sa suppression, il n’existe alors plus que deux poses. La pose forestière utilisée en sylviculture qui varie entre 33,6 et 44,6 a et la pose de vigne utilisée en viticulture qui était légèrement plus petite que la précédente. La pose se divise en
8 fossoriers ou ouvriers. Néanmoins, cela varie et, sous
l’influence du système métrique, en 1822 le canton de Vaud fixe la pose à 4500 m2 divisée en 10 fossoriers de 450 m2 chacun. Elle est officiellement abolie en 1877 au profit de l’introduction de l’are. Réf. Wikipédia