« Il y a des gens qui se sentent seuls parmi toutes les tranches d’âge »
La quatrième édition du Mois de la santé mentale, mis sur pied par le Département vaudois de la santé et de l’action sociale (DSAS), a débuté hier dans le canton. Co-responsable de la campagne Santépsy.ch, Alexia Fournier Fall explique pourquoi ce rendez-vous est indispensable et détaille le choix du thème de cette année: l’importance des liens sociaux.

Pourquoi ce Mois de la santé mentale a lieu maintenant et à quoi sert-il ?
Diane Zinsel | Comme chaque année depuis 2022 sur le canton de Vaud, le Mois de la santé mentale a lieu entre le 10 septembre, Journée mondiale de la prévention du suicide, et le 10 octobre, Journée mondiale de la santé mentale. Depuis deux ans, la mise en œuvre opérationnelle de cette action été confiée à Santépsy.ch, la campagne de promotion de la santé mentale des cantons latins. Ce mois vise à sensibiliser la population à l’importance de maintenir une bonne santé mentale et à l’informer des ressources disponibles en la matière en lui proposant toutes sortes d’activités en lien avec un thème particulier. Elle a en outre pour vocation de rappeler que la santé mentale dépend aussi de facteurs externes à l’individu et que nous devons tous travailler ensemble en tant que société pour créer des environnements favorables, que ce soit à l’école, sur le lieu de travail ou dans la commune où l’on vit.

L’édition 2025 met l’accent sur l’importance des liens sociaux. Pourquoi ?
Le manque de lien social représente un risque pour la santé au même titre que l’abus d’alcool, le tabagisme, le manque d’activité physique. De nombreuses recherches montrent que les personnes souffrant de solitude ou d’isolement sont en moins bonne santé que celles qui sont entourées. Il nous a paru important de thématiser cette question en rappelant que construire et entretenir des relations solides avec sa famille, ses amis, ses collègues, ou même ses voisins aide à faire face aux défis de la vie, cultiver son bien-être et se sentir mieux au quotidien.
Qu’est-ce qui est prévu pour encourager la création ou le maintien de ces liens ?
Différents représentants d’organisations socio-sanitaires vaudoises seront présents sur les marchés de Morges, Lausanne, Yverdon, Vevey et Nyon. Ces personnes distribueront des dépliants proposant de l’information et des ressources disponibles dans le canton de Vaud ainsi que des sachets de graines pour symboliser la culture du lien social. Comme il peut être difficile pour une personne isolée d’aller vers les autres, nous voulons aussi sensibiliser et encourager l’entourage à prendre les devants. Mais surtout, environ 90 activités (voir encadré) visant à renforcer le lien social sont organisées dans tout le canton par les partenaires socio-sanitaires. Une liste exhaustive est disponible sur le site de l’Etat de Vaud. Certaines activités existent souvent aussi le reste de l’année, mais ce mois permet de les mettre en avant.
Y a-t-il une tranche de la population davantage touchée par la solitude qu’une autre ?
Non, tout le monde peut être concerné. Parmi toutes les populations, il y a des gens qui se sentent seuls. On constate toutefois que les personnes déjà vulnérables pour des raisons physiques ou psychiques ont plus de risque d’être isolées, parce qu’elles auront peut-être plus de difficultés à créer ou entretenir des liens. L’isolement peut aussi survenir durant des périodes de transition, après un déménagement dans un pays (ou un canton) dont on ne parle pas bien la langue, ou un deuil par exemple. Durant les moments difficiles, la tendance peut être au repli sur soi. Si la période est temporaire, c’est tout à fait normal. Si la solitude perdure ou commence à peser, il ne faut pas hésiter à demander de l’aide.
On ne parle de santé mentale que depuis quelques années. Y avait-il moins de problèmes avant ?
Ce n’est pas que les problèmes n’existaient pas avant, c’est qu’on était plus focalisé sur la santé physique. La santé mentale était associée à la psychiatrie, à la maladie, aux personnes qui allaient mal et qui avaient été diagnostiquées en ce sens. Dès le début des années 2000, la Confédération a produit les premiers rapports sur la santé psychique et, depuis, les politiques cantonales de promotion de la santé se sont beaucoup développées dans ce domaine aussi. Aujourd’hui, on sait qu’il n’y pas de santé sans la santé mentale et qu’elle concerne tout le monde. Le Covid a provoqué une prise de conscience précieuse de l’importance de la santé mentale.
C’est-à-dire ?
Il y a un bon engouement actuellement sur le sujet. L’information à la population est importante. Différentes manifestations auront lieu aussi dans d’autres cantons romands autour de la journée mondiale de la santé mentale. Neuchâtel organise un mois similaire sur son territoire. Une semaine de la santé mentale aura lieu à Genève entre les 6 et 12 octobre. Au-delà de ces événements, Santépsy propose aussi toute une série de formations pour différents publics (travailleurs sociaux, professionnels de la santé, entreprises, etc) tout au long de l’année et celles-ci rencontrent un vif succès.

Le jeu comme liant social
Ateliers cuisine, de jardinage, ou de tricots, table ronde sur le suicide, conférence sur le burn-out sont quelques-unes des nonante activités programmées jusqu’au 10 octobre à l’occasion du Mois de la santé mentale. « Ces activités sont autant des moments privilégiés pour créer du lien social que des occasions de se renseigner sur des thématiques qui nous touchent au quotidien », estime Alexia Fournier Fall, co-responsable de Santépsy.ch. Certaines entreprises proposent également des animations à l’interne pour leur personnel, ajoute-t-elle.
A Savigny, la ludothèque qui organise des soirées jeux chaque mois a décidé, cette année, d’inscrire celle du 10 septembre au programme du Mois de la santé mentale. « Le jeu permet de créer des liens, d’échanger, de rire », liste Claudine Greub, présidente de l’association qui gère le lieu. Comme toutes les autres organisations qui participent, elle a reçu des dépliants et des sachets de graines à distribuer pour promouvoir l’événement dans son ensemble. Claudine Greub en profitera pour valoriser la ludothèque aussi, un espace hors temps, qui « a aussi son rôle à jouer dans le maintien d’une bonne santé mentale », poursuit-elle.
Plus d’infos : vd.ch et ludosavigny.ch
Quel est le rôle de Santépsy ?
Santépsy œuvre pour la promotion de la santé psychique dans les cantons latins en proposant à l’ensemble de la population une palette d’informations, d’outils, de ressources et de conseils pratiques sur son site internet. On y trouve entre autres un carnet de ressources pour futurs parents, des brochures sur le stress, un podcast abordant les thématiques pouvant faire vaciller la santé mentale, comme la ménopause, la gestion de son poids, le déracinement, ou encore le harcèlement scolaire. « On travaille main dans la main avec les cantons, explique Alexia Fournier Fall, co-responsable de Santépsy.ch. Généralement, nous développons une thématique qui s’adresse à un public cible par année ». En 2025, la campagne s’adresse plus spécifiquement aux personnes issues de la migration. Sur la base de leurs préoccupations en matière de santé mentale, le site psyhealth.ch a été développé. Il est traduit en 12 langues. « L’année prochaine, notre public cible sera les 16-25 ans qui a été jusqu’ici peu considéré dans les campagnes d’information sur la santé mentale », précise Alexia Fournier Fall.
Plus d’infos : santepsy.ch