Grève des femmes – Marche du 14 juin
Pourquoi je ne suis pas allée manifester !

Monique Misiego | 1500 à 2000 personnes sur la place de la Riponne au plus fort de la mobilisation de la Grève des Femmes. Longtemps, je me suis posé la question. Longtemps j’ai hésité. Puis le coronavirus, toujours présent dans ma tête comme à la veille de la journée de la femme le 8 mars, a eu raison de moi. Comme le 8 mars, j’ai pensé qu’il était déraisonné de mettre en présence autant de monde. Même si les distances devaient être respectées, autant de femmes criant des slogans n’augmentait-il pas le risque de transmission ? Le soir du 8 mars, je m’étais sentie coupable d’avoir été manifester, ce 14 juin, la culpabilité est arrivée avant. Donc je ne suis pas allée manifester. Certes, les raisons qui motivent cette mobilisation sont tout à fait d’actualité et nécessitent que nous nous manifestions et que nous cessions de nous taire. Toutefois, je ne me retrouve plus dans ce panel de revendications où tout se mélange, toutes les causes paraissant importantes et primordiales pour celles qui les soutiennent. Ce mouvement avait été créé à la base pour soutenir les travailleuses et l’égalité salariale. Puis sont venues s’ajouter les causes les plus diverses possibles concernant les femmes comme les violences conjugales par exemple, mais aussi les LGBT, les personnes trans, les femmes sourdes, les femmes noires, clitoris-moi, la grève du climat et j’en passe. Bien sûr que toutes ces causes sont légitimes pour celles qui se sentent concernées. Mais est-il possible de soutenir toutes ces causes à la fois ? J’ai remarqué lors des manifestations que les journalistes avaient tendance à prendre en photo les femmes jeunes et sexy. Si en plus elles sont seins nus comme sur le Grand-Pont à Lausanne dimanche, quelle aubaine, ça fera vendre du papier. Et j’ajouterai que certaines jeunes femmes qui se disent militantes ne pointent le bout de leur nez que les jours de manif pour se mettre en première ligne derrière la banderole. L’époque est au paraître et la jeune génération est dans le contrôle permanent d’exister et d’avoir son image sur les réseaux sociaux ou dans les journaux.

Les sujets qui me semblaient importants à défendre aujourd’hui
La lutte pour le maintien de l’AVS à 64 ans pour les femmes. Je n’ai pas vu une ligne sur ce sujet dans la presse. Mais nous devrons certainement à nouveau arpenter le pavé les jours de marché pour essayer de convaincre les plus jeunes que c’est important de ne rien lâcher lors des prochaines votations. L’égalité salariale ? Simonetta Sommaruga annonçait ces jours à la télévision que dès le 1er juillet, les entreprises de 100 personnes devront faire en sorte que cette égalité soit appliquée. C’est bien, c’est un pas. Mais s’ils ne le font pas ? aucune sanction. Et cela représente 1 % des entreprises. On nous présente cela comme une victoire mais nous ne sommes pas encore dans l’égalité salariale, loin de là. Rappelons que les femmes gagnent encore 17 à 18 % de moins que les hommes pour le même travail. Et rappelons aussi que cette mesure est inscrite dans la loi depuis 1986. Certaines mesures sont plus vite appliquées que d’autres. Madame la présidente soulignait que depuis les dernières élections, il y avait 42 % de femmes au Conseil national. On en est contents. Mais il faudrait qu’elles aient aussi la possibilité de faire partie des diverses commissions et groupes de travail. Par contre, au niveau des cadres de l’administration fédérale, seules 25 % sont des femmes En ce qui concerne le Conseil d’Etat vaudois, 5 représentantes sur 7 membres. Puis on se rend compte que les cadres et chefs de service sont très souvent des hommes, y compris les assistants personnels des conseillères. Il y a encore certaines injustices plus sournoises, comme la taxe rose qui inflige aux femmes de payer plus chers leurs produits d’hygiène que les hommes. Les moyens de contraception qui sont encore majoritairement assumés par les femmes, donc aussi à leur charge financièrement. Dans les avancées notoires, on peut se féliciter du congé paternité voté il y a quelques semaines mais qui reste tout de même en dessous de ce qui était demandé. On peut aussi applaudir l’adoption du mariage pour tous passé en votation la semaine dernière et qui doit encore recevoir l’aval du Conseil des Etats. C’est une avancée vers une autre égalité mais qui concerne aussi certaines femmes. Par contre, je n’ai pas encore trouvé de sens à ces jeunes femmes seins nus lors des manifestations. Il m’a été répondu que c’était pour la désexualisation des seins. Que dire sinon que nous ne sommes pas pareilles aux hommes, que c’est ainsi et que nous ne pourrons jamais gommer cette différence. On voudrait aussi nous persuader de renommer les rues parce qu’elles portent en majorité des noms de personnalités masculines. On ne peut pas changer l’histoire, comme on ne devrait pas déboulonner certaines statues qui font partie de cette histoire parce les hommes qu’elles représentent ont été actifs dans les heures les plus sombres de l’esclavage. L’histoire est ce qu’elle est et en garder des traces permet de ne pas reproduire les mêmes erreurs.
Est-ce ça le féminisme ?
Les plus âgées dont je fais partie voudraient être égales aux hommes, les nouvelles générations voudraient être pareilles. Ou supérieures ou totalement indépendantes des hommes. Toute forme d’indépendance est à encourager, mais les slogans tellement haineux vis-à-vis des hommes me mettent mal à l’aise. Question de génération sans doute. Un des évènements de cet après-midi laisse songeur, Vers 16h, sur la place de la Riponne, une oratrice a demandé aux journalistes et aux photographes de presse et de sexe masculin, de quitter les lieux: « Nous voulons que notre image soit donnée uniquement par des femmes ». Elle a été applaudie par un grand nombre de manifestants. Et que dire pour terminer de l’action perpétrée devant l’église Saint-Laurent à Lausanne qui consistait à peindre les escaliers extérieurs en violet ? Est-ce ça le féminisme, le non respect des institutions et des endroits de culte ? Parce que ce n’est pas ce féminisme que je veux pratiquer, je ne suis pas allée manifester aujourd’hui, même si certaines de ces causes méritent qu’on les défende.

