«Une affaire personnelle/Una questione privata» – Egarée dans une histoire commune
«Une affaire personnelle/Una questione privata» de Paolo et Vittorio Taviani
Colette Ramsauer | On est en 1943 dans les Langhe, collines arides du sud du Piémont. Au cours d’une mission de la résistance italienne, Milton, jeune étudiant fait un détour vers la résidence où il passait ses vacances et où séjournait Fulvia adolescente turinoise, dont il est resté éperdument amoureux. On lui apprend que son ami proche, Giorgio Clerici, rendait de fréquentes visites à la jeune femme. Désireux d’en savoir plus, Milton tente de rejoindre Giorgio qui opère dans un maquis voisin. Hélas, ce dernier vient d’être capturé. Un échange de prisonniers pourrait le sauver et permettrait à Milton désespéré, de lui parler.
A la folie
Le film, adaptation libre du roman éponyme, autobiographique, de l’écrivain piémontais Beppe Fenoglio (1922-1963) nous offre le plaisir dérivé de la littérature. Avec les jeunes acteurs Luca Marinelli (Milton) Lorenzo Richelmy (Giorgio) et Valentina Bellè (Fulvia) l’histoire nage dans l’abîme des sentiments, démontrant que la passion amoureuse porte parfois à la folie. Comme d’ailleurs une guerre civile peut rendre fou ses combattants. Le film suit dans la montagne les résistants aux fascistes qui, la peur au ventre dans un brouillard à couper au couteau, défendent les paysans et leur famille. On tuait comme on tue les lapins. Les échanges de prisonniers étaient courants, qui mettaient face à des choix insoutenables.
Deux dinausaures du cinéma
Les frères Taviani, réalisateurs et scénaristes italiens – Paolo (1931) et Vittorio 1929-2018) nés à San Miniato (Toscane) – ont marqué l’histoire du cinéma. On se souvient de Padre-Padrone en 1977, de La nuit de St Lorenzo, deux ans plus tard. Le premier leur valut la palme d’or à Cannes et le David de Donatello (prix italien équivalant au César français). Depuis 1962, leurs films puisaient dans les thèmes du passé, s’inspirant de légendes campagnardes et de vieux proverbes. « Les frères Taviani ont en eux une dureté de prise, une façon d’aller à l’essentiel, la froideur de la vérité, le refus des belles manières. Ils visent au vrai, sans concession aucune. » Parmi une vingtaine de leurs films: Kaos, contes siciliens, en 1984, Good Morning Babilonia en 1987, Kaos II en 1988, César doit mourir en 2012. Jusque dans les années 90, les deux frères ne cédèrent pas aux grandes productions et attribuaient les premiers rôles essentiellement à des acteurs italiens comme Ugo Tognazzi, Isabella Rossellini, Marcello Mastroianni. Jusqu’en 2015, ils ont cosigné la mise en scène de tous leurs films. L’aîné, Vittorio, l’homme à la casquette qui le différenciait de Paulo, est décédé en avril dernier à Rome.
«Una questione privata/Une affaire personnelle»
Guerre, drame de Paolo et Vittorio Taviani 2017, I, vost, 84min’ 16/16 ans
Avec Luca Marinelli, Lorenzo Richelmy et Valentina Bellè
Sortie le 6 juin