Gilbert Jeanrenaud, Chronique du passé
par Bruno Mercier |
• Né à Bellegarde / Valserine en France voisine en 1932.
• Cinquième enfant d’une fratrie de 6 garçons et une fille.
• De père neuchâtelois et de mère française.
Son père est mécanicien sur De Dion-Bouton et Motosacoche, entre autres. Quand Gilbert a 4 ans, sa maman décède d’un cancer du sein. Le père reste seul avec 7 orphelins à charge. Les autorités françaises viennent chercher les enfants, les séparent et les placent d’abord chez les bonnes sœurs durant une année. Ensuite, Gilbert Jeanrenaud est envoyé à Nonglard près d’Annecy, dans une famille de paysans, où il retrouve deux autres enfants déjà placés par l’assistance publique. A 5 ans, il participe à la ferme aux travaux des champs, s’occupe des vaches et il aide au jardin. Il se plaît et reste une année dans cette famille. Puis il est transféré à nouveau dans une deuxième famille de paysans à Lompnas dans le département de l’Ain. Les conditions de vie sont plus difficiles. C’est un petit village où les gens sont rustres. Gilbert a alors 6 ans. Les journées de travail aux champs sont longues. Il se retrouve avec un autre orphelin qui lui fait des attouchements. On lui fait peur avec des dictons qu’on lui chuchote à l’oreille: «Attention, il ne faut pas sortir, il y a le loup blanc!» A la veille de la guerre, en 1939, Gilbert a 7 ans. Un jour, son père reçoit l’ordre de l’Assistance publique de venir rechercher ses 7 enfants, regroupés à Bourg-en-Bresse. Quand il revoit tous ses gamins en haillons, avec des sabots de bois et des chaussettes de laine trouées, il est choqué et demande aux autorités si elles n’ont pas honte de lui remettre les enfants dans un état pareil.
La famille reste quelques jours dans un foyer à Bourg-en-Bresse. Le père trouve une maison à Annecy, dans un vieux quartier. La pauvreté s’installe. La vie de famille reprend; il faut aller chaque matin chercher l’eau dans la rue, elle ne coule pas au robinet. Gilbert va à l’école avec de vieux habits troués. Tous les gamins ont des casse-croûtes pour les neuf heures, sauf lui. Une brave mère lui tend chaque matin sur le chemin de l’école un petit pain et une barre de chocolat.
La guerre éclate en 1940. La France occupée est divisée en deux zones, zone libre au sud et zone occupée au nord. La police française demande au père de Gilbert de quitter la France. Après plusieurs tentatives pour passer la frontière, le père et ses 7 enfants traversent la douane de Moillesullaz. Ils rentrent à Neuchâtel, ville d’origine du père. Les enfants sont à nouveau placés dans des familles. Gilbert a 8 ans. Dans sa nouvelle famille, le père est sous-directeur à la Poste de Neuchâtel. C’est une très bonne famille. Il y reste jusqu’en 1948. Il a 16 ans et doit quitter la ville, ne trouvant pas de place d’apprentissage. Ayant commis quelques larcins et maraudages divers, le jeune adolescent s’en va pour La Chaux-de-Fonds. Il trouve une place dans un garage pour apprendre, sur le tas, comme son père, le métier de mécanicien. Il réside dans un foyer. Il fait un apprentissage dans un garage et obtient son CFC de mécanicien. Il reste au foyer jusqu’à l’âge de 20 ans. A 16 ans, Gilbert fait beaucoup de sport. Le soir, il s’entraîne au football et croise Charles Antenen, un certain Perroud en herbe et d’autres joueurs célèbres de l’époque.
Un soir, un copain nommé Brianza l’invite à la salle du Collège de Charrière: «Je me suis inscrit à un cours de boxe, viens faire de la boxe.»
Gilbert, qui dit oui à tout, suit son premier cours de boxe. Il tape dans le sac, saute à la corde, fidèle à l’entraînement. Il y a un meeting en vue, il manque un gars. Il le remplace. Après de nombreux entraînements le jour J arrive. Il gagne au premier round contre son adversaire.
Gilbert aime la boxe. La boxe est sa survie, même s’il n’a pas du tout l’esprit bagarreur.
En 1957, à 25 ans, il est invité à un meeting à Genève où il affronte le légendaire Charly Bühler, champion suisse de boxe. Gilbert se retrouve à l’affiche avec celui qui deviendra boxeur professionnel.
Lors du combat, Gilbert lui administre un crochet droit et l’envoie au tapis au premier round. Le match est très court, Gilbert gagne contre le mythique champion en catégorie welter.
Gilbert Jeanrenaud arrête la boxe en 1960, à l’âge de 28 ans, quand il rencontre sa femme Jacqueline, habitante de Morges, qui travaille à la halle des courtepointières, à l’avenue de Rumine, en face du garage où il travaille. Ils se marient et ont deux fils, Caryl né en 1965 et Vincent né en 1968.
Habitant de Paudex, Gilbert séjourne actuellement dans un établissement de Lavaux.
Nous envoyons nos pensées amicales à toute sa famille.