Forel – « Montrer qu’on ne “joue” pas mais qu’on soutient l’éducation »
Formation
A 25 ans, Isabelle Mamin a représenté, à Berne, la toute première participation du métier social d’assistant socio-éducatif (ASE) aux SwissSkills 2025. Une vitrine inédite pour une profession essentielle et un réseau formateur engagé.


Sous les projecteurs des SwissSkills (17-21 septembre), on sent l’odeur des matières premières, on voit jaillir les étincelles, on ressent la pression des chronos. Cette année, le championnat des métiers a, pour la première fois, accueilli le métier social : les assistantes et assistants socio-éducatives y ont défendu leur savoir-faire et leur passion. Sur le site de BernExpo, 35 Vaudois étaient de la partie, au milieu, une jeune d’ici : Isabelle Mamin, formée et fraîchement diplômée, employée au Réseau Apéro (Accueil petite enfance réseau Oron). Nous l’avons rencontrée à la nurserie-garderie Gribouille, à Forel.
« J’avais envie de me challenger et de faire connaître notre métier. On ne “joue” pas, on soutient à l’éducation : on observe, on planifie, on accompagne », confie Isabelle. Monitrice de gym, elle a trouvé sa voie en stage, puis en apprentissage, au sein du Réseau Apéro. Trois ans de formation, un pied à l’école, l’autre sur le terrain : « Ce que j’aime, c’est créer des univers immersifs et d’être au quotidien avec les enfants. »
Concours repensé pour un métier social
Comment concourir quand l’objet de travail est humain ? Les experts ont adapté les épreuves autour de la mise en place d’un projet éducatif. Concrètement, les 20 candidats ASE (1021 apprentis au total des SwissSkills) inscrits ont d’abord présenté, sous forme de vidéo, un projet mené dans leur structure, puis l’ont défendu face à un jury. Isabelle a proposé une « chasse au trésor », univers de pirates à la clé : « Derrière les marionnettes et les cartes, il y a des objectifs, de l’observation, des ajustements. Pourquoi ce jeu-là, pourquoi avec cet enfant-là, pourquoi dans ce groupe-là ? C’est ça, le cœur du métier. »
La scène, le bruit, le public, tout peut déstabiliser : « Je me suis entraînée avec un bruit de comptoir en fond sonore », sourit-elle. Le jour J, le trac s’invite, puis la mécanique professionnelle reprend le dessus. Les organisateurs ont ajouté des situations du quotidien des ASE simulées par des comédiennes : « Dès le premier “bonjour” de la maman lors de l’entretien d’admission simulé, j’ai su que ça irait. Après, quand tout s’arrête, il y a une vraie descente d’émotions », se remémore Isabelle avant d’ajouter que les larmes de joie ont vite pris le dessus. Anecdote mémorable pour Isabelle, puisqu’il était impossible d’avoir un vrai bébé durant la compétition, c’est une peluche pieuvre qui trônait dans la poussette.
La Romandie a poussé la porte
Si la filière ASE arrive aux SwissSkills, c’est aussi grâce à un travail de coulisses. Aline Favre, directrice adjointe du Réseau Apéro et responsable des formations, a participé au groupe pilote : « Nous voulions une représentation équilibrée des trois orientations du CFC (enfance, personne âgée, handicap) et des trois régions linguistiques ». D’après Aline et Isabelle, l’objectif est atteint : « Le public, notamment des classes de jeunes, a pu découvrir le métier, où le besoin de personnel qualifié est criant ». Pour le Réseau Apéro, la participation d’Isabelle est une fierté et en plus un signal : « Montrer l’exigence du métier et notre culture de la formation », explique Aline Favre. Le Réseau Apéro compte neuf sites d’accueil (préscolaire et parascolaire) et trois réfectoires scolaires sans compter les accueillantes en milieu familial qui accueillent les enfants dans leur foyer. Il forme en permanence plus d’une vingtaine d’apprentis ASE, et accompagne aussi des reconversions professionnelles (article 32). Au total, près d’une cinquantaine de personnes sont en formation initiale ou continue, entre stagiaires, apprentis, accueillantes en milieu familial et personnel éducatif qui se forme en école supérieure ou en HES. « Nous posons des critères d’entrée, nous sécurisons les parcours, et nous gardons une ligne claire. Quand on s’engage avec une personne, c’est pour la former, pas pour boucher des trous. »
A Gribouille, une petite délégation a fait le déplacement à Berne. « Les collègues ont libéré du temps à Isabelle, aidé pour le matériel, et le jour venu, on était derrière elle », se remémore Aline Favre. Ce soutien, Isabelle l’a senti : « Sans l’équipe, je n’aurais pas pu amener un projet aussi abouti ». Les SwissSkills ont couronné des finalistes sur scène. Peu importe d’avoir terminé au 5e rang : « Le plus important, c’était de rendre visible ce que nous faisons vraiment », assure la jeune ASE. Pour le réseau, l’enjeu est plus large : attirer, donner envie, combattre les clichés. « Si, dans une ou deux éditions, davantage de jeunes s’orientent vers l’ASE, le pari sera gagné. »
Et maintenant
Diplômée depuis juillet dernier, Isabelle envisage la suite avec calme et appétit : « Je veux continuer dans le métier, me former au niveau supérieur. Mais aussi déménager en Valais, histoire de me rapprocher des montagnes ». Le Réseau Apéro, lui, poursuivra ses missions : offrir et ouvrir des places d’accueil aux enfants de la région pour que les parents puissent concilier vie professionnelle et vie privée, garder ses apprentis quand cela est possible et qu’ils le souhaitent et fidéliser son personnel, et partager sa culture sociale. « Les SwissSkills offrent une scène pour renforcer l’image de l’apprentissage. A nous d’y montrer l’essentiel… »


