Finances – Une cohésion qui sépare
La participation à la cohésion sociale plombe le budget des communes. Des négociations sont en cours pour revoir ce système dans son intégralité. Explications.

Péréquation verticale, facture sociale, participation à la cohésion, on ne sait plus vraiment comment appeler cette taxe des communes auprès du canton. Au-delà des changements de terminologie, la situation s’envenime et la grogne ne cesse de prendre de l’ampleur. A tel point que l’Etat, les communes et les parlementaires souhaitent une révision de ce système. Pour bien comprendre ce concept, on peut le comparer à celui de l’impôt. Les communes récoltent des recettes fiscales (salaire), cet argent est par la suite prélevé par le canton (taxation d’impôt) prenant au passage un pourcentage avant de redistribuer cet argent dans les communes en fonction de leurs besoins, éducation, culture, religion, infra-structures, etc. Instaurée en 2004 pour redresser les finances de l’Etat, la facture sociale est considérée aujourd’hui par plus d’une commune sur dix comme obsolète et trop complexe pour bien fonctionner. Cette « usine à gaz » a atteint ses limites, et ce ne sont pas les deux associations protégeant les intérêts des communes qui contrediront ce constat.
Pour Chantal Weidmann Yenny, présidente de l’UCV (Union des communes vaudoises), il est primordial de gagner en transparence : « Le mécanisme de solidarité intercommunal actuel fait apparaître d’importants effets de bord. Les communes contributrices peuvent se retrouver en moins bonnes situations que les bénéficiaires ». C’est le cas de Pully, qui n’a pas d’autre choix que d’emprunter pour payer sa cotisation à la cohésion sociale. « Cela a pour conséquence d’augmenter fortement l’endettement communal », précise son syndic, Gil Reichen. Pour bien comprendre la situation de cette ville, un retour en arrière s’impose. En 2019, sa participation à la cohésion sociale grimpe de 11.9% alors que ses recettes fiscales augmentent de 3.7%. « Nous avons subi un véritable déséquilibre financier ». En refusant de payer cette facture, la Municipalité envoie un message clair au Conseil d’Etat : réformer la participation à la cohésion sociale (PCS).
Si les discussions ne sont pas tout à fait terminées,
Chantal Weidmann Yenny
elles sont à bout touchant
En 2022, ce sont 36 communes, soit 12% des exécutifs vaudois qui ont déposé un recours au Tribunal fédéral contre le décompte de la PCS. Ces contestations révèlent les inégalités du système actuel : « Aujourd’hui, deux tiers des communes bénéficient de ce système tandis que le tiers restant rencontre des difficultés à investir pour le bien de leurs habitants », détaille Etienne Blanc, municipal des finances à Lutry.
Le Conseil d’Etat va à nouveau revoir sa copie
Malgré un premier accord pour un rééquilibrage progressif (150 mios annuels en 2028), le contexte d’insatisfaction n’a pas réellement changé du côté des communes à fort potentiel contribuable. Le recours déposé au Tribunal fédéral pour contrer les précédents décomptes maintient la pression sur le Conseil d’Etat : « Il est primordial d’agir sur ce plan, c’est une des priorités de la nouvelle législature », nous confiait en fin d’année dernière Christelle Luisier, conseillère d’Etat en charge de ce dossier. Cependant, si des négociations sont en cours avec les deux faîtières pour construire un nouveau système péréquatif, le consensus ne sera pas facile à trouver pour satisfaire l’intérêt des 300 communes qui constituent le canton de Vaud.
« Si les discussions ne sont pas tout à fait terminées, elles sont à bout touchant », confie Chantal Weidmann Yenny.
C’est quoi SOS Communes ?
L’initiative est née après l’opposition des communes dites « riches » à la participation à la cohésion sociale. Ce mouvement souhaite que le canton reprenne l’intégralité de la facture sociale à sa charge. Ainsi, elle entend redonner aux communes l’autonomie et la maitrise de leurs finances afin d’investir localement.
Interviews

Chantal Weidmann Yenny
Présidente de l’Union des communes vaudoises (UCV)
Comment sera répartie la participation à la cohésion sociale le jour où ce nouvel accord entrera en vigueur ?
L’accord signé en 2020 entre l’UCV et le canton réduit progressivement, à partir de 2021, la participation des communes à la cohésion sociale. Cependant, aucune mesure financière d’accompagnement comme une bascule d’impôt n’est prévue. Le rééquilibrage annuel et pérenne de 150 millions de francs en faveur des communes sera atteint en 2028 et il peut être accéléré pour 2026 si les comptes de l’Etat sont positifs. En 2028, la répartition sera de l’ordre de 36.7% selon les estimations actuelles d’augmentation des dépenses sociales au lieu des 50% avant l’accord. Concrètement, la participation des communes en 2022 se serait élevée à 870 mios sans l’accord, alors qu’elle s’est élevée à 782 mios grâce au rééquilibrage.
Les discussions en cours dans le cadre du contre-projet à SOS Communes portent entre autres sur une accélération du rééquilibrage ainsi que sur la dynamique et la répartition des charges de la participation à la cohésion sociale.
Les communes sont contraintes d’augmenter leurs taux d’impôts afin de payer la participation à la cohésion sociale. Comment votre association les soutient-elles ?
L’objectif premier est d’avoir une révision complète du système péréquatif afin que les communes puissent à nouveau pleinement retrouver une autonomie financière leur permettant de répondre à leurs charges structurelles. Son architecture doit avoir des mécanismes clairs, simples et transparents afin d’être compréhensible pour qu’un législatif communal puisse s’exprimer en toute connaissance de cause. C’est en aboutissant le plus rapidement possible à ce nouveau système que notre association sera le meilleur soutien à cette situation.
L’union fait la force, ne serait-il pas plus facile de fusionner l’UCV et l’ADCV pour mieux défendre les communes face aux exigences du canton ?
Ce que je peux avancer à l’heure actuelle, c’est que le dialogue entre les deux associations faîtières dans le cadre des négociations sur la révision de la péréquation financière est régulier, constructif et dans l’intérêt de l’ensemble des communes vaudoises.

Michel Buttin
Président de l’Association des communes vaudoises (AdCV)
Quel a été le rôle de votre association dans ce dossier épineux ?
L’AdCV soutient l’initiative SOS Communes (voir encadré) depuis le début. Cette initiative et notre soutien ont permis de ramener le Conseil d’Etat à la table des négociations pour définir un contre-projet et une nouvelle péréquation intercommunale vaudoise (NPIV). C’est pourquoi l’AdCV participe aux négociations avec un esprit constructif dans le but d’obtenir le meilleur accord possible dans l’intérêt de toutes les communes. Les objectifs de notre Association sont clairs et résument plus de dix ans d’engagement: la fin de toute péréquation au niveau de la participation à la cohésion sociale, la restitution d’une autonomie financière aux communes, ainsi que la mise en œuvre d’une péréquation intercommunale solidaire et transparente.
Les communes sont contraintes d’augmenter leurs taux d’impôts afin de payer la participation à la cohésion sociale. Comment votre association les soutient-elles ?
Nous les soutenons en portant leurs voix et en défendant de manière résolue l’autonomie communale. C’est ainsi que nous avons soutenu SOS Communes et que nous demandons aujourd’hui, dans le cadre des négociations, un rééquilibrage financier conséquent en faveur des communes vaudoises. Ces dernières doivent pouvoir conserver une grande part du fruit de leurs impôts et ainsi l’investir localement pour leurs citoyens.
L’union fait la force, ne serait-il pas plus facile de fusionner l’UCV et l’AdCV pour mieux défendre les communes face aux exigences du canton ?
Cette question n’est pas à l’ordre du jour. Cependant, il va de soi que nous discutons et collaborons régulièrement avec l’UCV, notamment pour définir des positions conjointes dans l’intérêt des communes vaudoises.