Gustave Eiffel (1832-1923) doit, bien sûr, sa célébrité à sa fameuse tour, inaugurée à Paris en 1889, à l’occasion de l’Exposition universelle qui commémorait le centième anniversaire de la Révolution française. Mais cet ingénieur fut aussi le créateur d’innombrables travaux en acier (ponts, gares, bâtiments publics, etc.) à travers le monde, de Porto à Saïgon en passant par Budapest… Il fut malheureusement compromis dans le scandale financier du canal de Panama en 1892-1893.

Passionné par les techniques nouvelles, il se mit avec enthousiasme à la photographie. Il préparait lui-même ses plaques, tirant ses images en chambre noire. Pourquoi une exposition à Vevey ? Parce qu’il y acquit, dès 1892, une villa, qu’il occupait chaque été avec sa nombreuse famille.

Ses photographies comprennent différents aspects : images en noir-blanc ou recourant au procédé de l’autochrome, inventé par les frères Lumière en 1903, qui permettait d’introduire la couleur, dans un monde qu’on imagine trop souvent en noir-blanc… Il a eu dans son objectif sa villa, à l’intérieur lourdement chargé à l’image du style Second Empire, ou encore des personnages de la Fête des vignerons, notamment les Armaillis, qui font valoir leurs muscles, comme c’était l’usage à l’époque dans les sociétés de gymnastique. Gustave Eiffel s’intéressait à la vie locale de la Riviera et ne vivait pas à l’écart de la population. Il possédait en outre un yacht à vapeur de 19m de long sur le Léman. Ses photos de voiliers sur le lac rappellent d’ailleurs les huiles de François Bocion.

Les clichés les plus intéressants concernent des sujets familiaux, où tout le monde prend la pose. Il faut cependant rappeler que les prises de vue nécessitaient un certain laps de temps. Les hommes sont en gris ou noir, couleurs « sérieuses », tandis que les femmes, censées représenter la « frivolité », se vêtent de couleurs claires, et bien sûr portent ombrelle et chapeau. Quant aux enfants, ils sont costumés en petits marins. A travers les photographies de Gustave Eiffel, on voit renaître le monde de la bourgeoisie aisée autour de la Première Guerre mondiale. Elles revêtent donc aussi un caractère sociologique.

Et si vous ne le connaissez pas encore, c’est l’occasion de vous rendre au très riche Musée de l’appareil photographique à Vevey, où se tient l’exposition. Celui-ci présente, de manière vivante, toute l’histoire de cette technique – devenue un art – de son inventeur Nicéphore Niepce à nos jours, en passant par les années 1930, avec l’apparition des premiers films couleur due à Kodak et Agfa, et jusqu’à la révolution du numérique. Une visite passionnante et instructive ! 

A propos des crédits photographiques

Au sein de la grande famille Eiffel, les appareils passaient de main en main sur les indications du pater familial. Cette pratique rend difficile l’attribution certaine des images, dont beaucoup porte, dès lors, le crédit « anonyme » ou « entourage de Gustave Eiffel ».