Exposition – Une plongée dans l’art immersif contemporain
Exposition déroutante au Musée de Pully, jusqu’au 16 juin
Disons-le d’emblée, cette exposition est tout à fait particulière. Elle enthousiasmera certaines visiteuses et certains visiteurs, d’autres auront une réaction de rejet. Il faut donc y aller l’esprit ouvert et en s’abstenant de tout préjugé. Des spectacles dits « immersifs » sont déjà bien connus du grand public : ceux qui font voir sur de multiples écrans géants les œuvres de Van Gogh ou celles de Frida Kahlo. Mais ce sont des entreprises plutôt commerciales qui ne font que reprendre les tableaux originaux, en nous plongeant dans un univers tourbillonnant d’images se succédant trop rapidement. Ici, il s’agit de travaux de création, qui utilisent les nouvelles technologies, notamment la réalité virtuelle, dont on pourrait dire qu’elle tend parfois à supplanter le réel. Mais l’art contemporain ne pouvait rester à l’écart de cette forme d’expression. Attendez-vous donc à des œuvres parfois bluffantes ! Cela commence par le faux ascenseur de l’Argentin Leandro Erlich, avec sa cage, qui donne l’impression du vide au-dessus duquel nous nous tenons. Tout réside en fait dans un savant jeu de miroirs. Puis nous passons à travers les 48 colonnes articulées de Lang et Baumann, où nous baignons dans une atmosphère assez magique. On pourra ensuite se défouler dans Cage Room de Beni Bischof, où le visiteur est invité à participer au chaos ambiant en cassant des objets formant déjà un véritable fouillis.
Nous avons beaucoup aimé Poetry of the Earth de Maya Rochat. Dans les deux salles qui lui sont consacrées, on est immergé dans un monde merveilleux et onirique, entouré de peintures et de vidéos multicolores qui se veulent toutes un hommage à la nature (coraux, plantes, fleurs). Il y a là quelque analogie avec les Nymphéas de Monet, qui utilisait certes des moyens picturaux plus traditionnels. Puis on est invité à vivre une expérience étonnante de réalité visuelle, réalisée par Jan Kounen, à l’aide d’un masque. Elle nous plonge dans un monde sous-marin, lunaire, végétal, ou fait de formes abstraites oniriques, semblable à ce que certaines peuplades de l’Amazonie peuvent vivre à l’aide de substances psychotropes, tout cela accompagné de chants d’un chamane indigène en sourdine. Il ne faut donc pas craindre d’être frôlé par des serpents ou avalé par un requin géant… C’est assez magique, mais le public est dûment mis en garde : cette expérience est interdite aux très jeunes enfants, et déconseillée aux autres, ainsi qu’aux personnes souffrant de divers troubles. Mais bon, il vaut mieux vivre cette expérience de manière virtuelle que de la tenter par des drogues hallucinogènes ! Suit une salle du Coréen Byunseo Yoo, basée sur de multiples fermentations sauvages, et qui fait appel à nos sens visuels, olfactifs et gustatifs.
Quant à In the Woods de Camille Scherrer, cette installation parlera davantage aux jeunes et moins jeunes familiarisés aux (envahissants) jeux vidéo, dont ils se repaissent sur leurs portables. Signalons enfin les deux dernières salles, conçues par Augustin Rebetez, qui nous entraînent dans une atmosphère « douce et calme », de jour puis de nuit sous un ciel étoilé.
On l’aura compris, cette présentation rompt avec nos habitudes artistiques, en tout cas pour les générations de seniors. On aimera ou on n’aimera pas, mais il est important de tenter l’expérience avant d’en juger, car il s’agit là d’un monde technologique et virtuel de plus en plus présent dans notre vie quotidienne, qu’on le veuille ou non. Enfin, l’exposition pulliérane invite à respecter le long travail de préparation des créateurs et créatrices qui a précédé leurs installations, au contraire de certains barbouillages s’adressant à un public de snobs « branchés ». Mais voilà les propos d’une
réactionnaire, me dira-t-on…
« Vivre l’œuvre. Voyage aux frontières de l’immersif contemporain »
Musée d’art de Pully, jusqu’au 16 juin 2024