Exposition – Une éblouissante exposition d’estampes japonaises
Au Musée Jenisch, à Vevey, jusqu’au 29 mars 2026
La culture japonaise est très différente de nos cultures occidentales. Elle possède ses codes, qu’il faut comprendre, même superficiellement, pour être pleinement appréciée. C’est notamment le cas de ses extraordinaires estampes, d’une beauté formelle, d’une variété et d’un intérêt sociologique extrêmes. Le Musée Jenisch, à Vevey, nous y aide, par ses explications compréhensibles, et surtout par sa scénographie très originale et particulièrement réussie. Elle est certes « japonisante », mais avec une grande sobriété, qui met en valeur les divers genres et thèmes abordés. Elle offre surtout un florilège de la collection exceptionnelle réunie par le Biennois Rudolf Schindler (1914-2015), qui comprend plus de 25’000 œuvres, toutes léguées au Musée Jenisch !
L’aile Ouest du musée est consacrée au kabuki. Il s’agit d’un théâtre populaire où tous les rôles, même féminins, sont joués par des hommes portant des masques pour différencier les différents personnages. Les acteurs célèbres étaient de véritables stars, volontiers portraiturées par les peintres. On observera toute la gamme des expressions des visages, tantôt féroces, tantôt enjoués et bienveillants, et de la gestuelle. Certains acteurs, pour « coller » pleinement à leur personnage, se vêtaient d’ailleurs hors scène en femmes. Dans une petite salle annexe, on peut admirer quelques spécimens de tissus. Sur les estampes, les robes sont somptueuses, très colorées, avec des motifs complexes, floraux, géométriques, ou ornées d’idéogrammes. A noter que de nombreuses œuvres portent aussi des extraits de poèmes. Les sujets représentés sont souvent pleins de personnages et de vie : ainsi Lutteurs de sumo traversant le pont de Ryogoku de Utagawa Kunisada (1786-1865) ou La Procession du Tokaido de Utagawa Hiroshige (1826-1869). Ces scènes de foules rendent bien compte de la vie quotidienne du peuple japonais et présentent donc un intérêt à la fois esthétique et ethnographique.
Le Japon a longtemps été un pays totalement fermé aux étrangers. C’est en 1858 qu’une flotte étasunienne l’ouvrit de force au commerce mondial. Dix ans plus tard débuta l’ère Meiji. L’Empire du Soleil Levant ne tarda pas à se moderniser à grande vitesse et à devenir une grande puissance militaire, surtout navale. En 1905, à la bataille de Tsushima, sa flotte écrasa celle de la Russie tsariste. Sur le plan culturel, qui nous concerne davantage ici, ses estampes ne tardèrent pas à conquérir le public occidental. On assista alors, jusqu’au début du XXe siècle, à une véritable « japomanie », qui influença tout l’art européen, notamment Manet et l’Art nouveau. Dans le bureau de Zola, on pouvait voir une estampe japonaise. Cela par le biais des Expositions universelles, dont celle de Vienne en 1901. Une autre petite salle annexe montre comment les graveurs sur bois japonais ont repris les thèmes des contes et légendes, avec leurs fantômes.
Dans l’aile Est du musée se trouvent les œuvres que le public appréciera probablement le plus. Le Japon nouveau a créé des routes pour unifier l’Empire. La plus célèbre est celle du Tokaido (nom repris par le train japonais à grande vitesse) qui unissait Edo – devenu Tokyo – à Osaka. Les artistes, comme d’ailleurs les pèlerins, se sont plu à la parcourir. Ce qui nous vaut le plaisir de contempler des paysages très différents les uns des autres et n’engendrent aucun sentiment de monotonie. On notera la prédilection des graveurs pour les ponts, les barques, les arbres souvent vus à contre-jour, les pins à flanc de collines escarpées, les couchers (ou levers) de soleil rougeoyants, les cerisiers en fleurs, et bien sûr le célébrissime Fujiyama. Relevons la variété des points de vue, tantôt en plongée, tantôt en contre-plongée. Faut-il s’étonner que le Japon soit devenu plus tard une grande nation de cinéma ?
Ce sont toutes ces qualités des estampes japonaises qui ont séduit, parmi de nombreux autres artistes, Oskar Kokoschka. Le Musée Jenisch étant également dépositaire de la plus grande collection au monde de cet artiste d’origine austro-hongroise, il était normal qu’une présentation de sa propre collection d’estampes soit présentée dans une exposition annexe.
Courez donc visiter cette double exposition et imprégnez-vous de la riche et subtile civilisation japonaise, présentée dans un cadre très attrayant !
« Impressions du Japon » et « Kokoschka. Japomanie »,
Musée Jenisch, Vevey,
jusqu’au 29 mars 2026.









